Faire une thèse, ça prend combien de temps ?

9 Juil 2020 | Mieux vivre sa recherche | 16 commentaires

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J’ai décidé de m’attaquer dans cet article à la question qui fâche : « combien de temps faut-il pour finir une thèse ? ».

Au début de votre doctorat, vous vous posez cette question par curiosité et pour vous projeter dans l’avenir ; mais vers le milieu ou la fin du processus, cette question se charge d’angoisse, et vous vous dites alors : mais combien de temps ça va me prendre encore !

Oui, le temps, dans une thèse, c’est LE sujet sensible. Il file toujours plus vite qu’il ne devrait, les semaines et les mois s’accumulent, et vous pouvez avoir l’impression de perdre le contrôle.

Je vais d’abord vous donner quelques informations objectives avant de vous expliquer pourquoi faire une thèse est long, toujours plus long qu’on ne croit, et comment faire pour apprivoiser la question du temps.

Examinons d’abord la réponse administrative à la question : selon le ministère de la recherche en France, une thèse s’effectue en règle générale en trois ans ; d’ailleurs, les contrats doctoraux durent trois ans. En fait, il s’agit de « trois années équivalent temps plein consacrées à la recherche » : autrement, dit, si vous avez un travail par ailleurs, la durée de préparation du doctorat peut être prolongée, pour un total de 6 ans maximum.Un sablier qui symbolise le temps qu

En pratique, toutes disciplines confondues, la durée moyenne d’une thèse (en France, du moins) est de 4 ans. 11 % des thèses sont réalisées en plus de 6 ans (source : https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/10/EESR10_R_38-le_doctorat_et_les_docteurs.php).

Mais les disciplines ne sont pas égales entre elles, en ce qui concerne la durée du doctorat : en SHS, en Lettres, en Droit, la durée des thèses est bien supérieure qu’en Sciences naturelles ou exactes, et les établissements doivent, chaque année, délivrer des « dérogations » pour permettre au doctorant de s’inscrire l’année suivante et de poursuivre sa recherche ; ainsi, même si très peu de thèses dans ces disciplines sont soutenues en trois ans (mais si vous avez réussi n’hésitez pas à laisser un commentaire pour raconter votre parcours !), l’administration fonctionne comme si les 3 ans étaient la règle, et le dépassement l’exception : c’est un hiatus lourd de conséquences pour les doctorants.

Depuis quelques années, les pouvoirs publics et les établissements cherchent à raccourcir la durée de la thèse, avec plus ou moins de succès. Prendre du temps pour finir peut être mal vu, et le doctorant est parfois soupçonné de « traîner ».

Qu’en est-il précisément ? Pourquoi les thèses sont-elles si longues ? Peut-on réellement améliorer la situation ? Faire pression sur les doctorants est-il utile ?

Pourquoi les thèses durent-elles (trop ?) longtemps

Je vais distinguer trois types de facteurs expliquant la longueur des thèses : les facteurs irréductibles (qu’on ne pourra pas changer), les facteurs corrigibles (sur lesquelles on peut vraiment agir) et, à mi-chemin, les facteurs contraignants, qui correspondent à des astreintes auxquelles on peut s’adapter plus ou moins bien.

Commençons par les « corrigibles » ! J’en liste trois, mais il y en a peut-être d’autres :  l’impréparation, le déficit d’encadrement et les problèmes relationnels.

Les facteurs à corriger : impréparation, déficit d’encadrement, le sentiment d’isolement.

Premier facteur : l’impréparation. Le niveau des personnes qui entrent en doctorat est très hétérogène, car le profil des doctorants est varié. Depuis quelques années, les Ecoles Doctorales font de réels efforts pour proposer des formations méthodologiques ou transversales aux inscrits. Mais la tâche est immense, et beaucoup de doctorants se sentent encore complètement démunis : que doivent-ils faire ? Par quoi commencer ? Quelles sont les étapes d’une recherche ? Comment écrire ? Ils sont habités par un sentiment d’incompétence. En fait, l’apprentissage de la recherche, la transmission des méthodes de recherche, est un domaine encore sous-exploité, sous-développé. Par ailleurs, on rencontre parfois des encadrants qui peuvent être d’excellents chercheurs, mais qui manquent cruellement de pédagogie. Alors vous, doctorants, ne baissez pas les bras et cherchez à vous former : lisez des thèses, des ouvrages de méthodes, parlez à des chercheurs, et … consultez ce blog 😊

Cela nous amène à notre deuxième point : les failles de l’encadrement. Ici, il serait difficile de faire des critiques générales sans se montrer injuste envers les directeurs et directrices qui soutiennent vraiment leurs doctorants, leur donnent du temps, et sont disponibles pour les conseiller, relire leurs écrits etc. C’est un sacerdoce ! Mais là encore la situation est très inégale, et si certains directeurs sont présents et méritants, d’autres sont lointains, indifférents, agacés. Pour le doctorant, c’est une loterie (voir sur ce blog les relations doctorants/directeurs). Depuis quelques années, il existe une volonté institutionnelle de décloisonner le binôme directeur/doctorant à travers les comités de suivi et l’insertion du doctorant dans une dynamique d’échange au sein du laboratoire. Malgré cela, un nombre non négligeable de doctorants sont encore insatisfaits de leur encadrement et reprochent à leur directeur ou directrice une posture de laissez-faire, qui consiste à n’intervenir qu’après coup et à laisser le doctorant cheminer seul et faire des erreurs. Les recherches montrent que la posture de laissez-faire n’est pas efficace et augmente la durée des thèses (je vous invite à vous référer à cet article clair et complet de Laetitia Gérard et Amaury Daele).

Certains doctorants se sentent très isolés, c’est notre troisième point ; soit parce qu’ils sont peu suivis par leur encadrant et ne peuvent pas participer aux activités du laboratoire (car ils vivent loin, ou car ils ont un travail par ailleurs), soit parce qu’ils se sentent mal accueillis parmi leurs collègues, en concurrence avec les autres. Eh oui, la rareté des postes dans la recherche peut empoisonner les relations entre pairs. L’isolement est un facteur majeur de retard dans les thèses : quand on est tout seul face à son travail, on n’est pas motivé ; on perd confiance ; on ne sait pas à qui confier ses doutes. Le stress qui découle de l’isolement n’est pas anodin : une part importante de doctorants souffre de pathologies liées à l’angoisse, ou même de dépression (pour en savoir plus, vous pouvez écouter ce podcast du Grand Labo). Se retrouver isolé(e) face à un travail long, ardu, chronophage et destiné à être évalué : ce cocktail est explosif et affecte l’équilibre de vie des candidats au doctorat, pour finalement les ralentir considérablement.

Si l’isolement concerne plutôt les disciplines de Lettres et Sciences Humaines, on peut trouver partout (y compris dans les disciplines de sciences naturelles, où le travail en équipe est plus fréquent), des doctorants qui souffrent d’une ambiance concurrentielle et d’une hiérarchie rigide.

Nous l’avons vu, les laboratoires et les écoles doctorales peuvent et doivent lutter contre l’isolement ou le harcèlement en proposant des activités de soutien et d’échange pour les doctorants et chaque doctorant doit, à son tour, tenter de sortir de sa bulle et rencontrer des collègues de toutes provenances, via des colloques, des séminaires, via les réseaux sociaux académiques etc ; et surtout, il faut éviter de rester seul avec les problèmes qui se présentent. Si vous avez des problèmes d’anxiété, n’hésitez pas à vous en ouvrir au service médical de votre établissement.

Ces trois points (questions relationnelles, impréparation et déficit d’encadrement) sont cruciaux pour expliquer le retard que peut prendre une thèse ; les institutions universitaires se sont saisies de ces problèmes, avec des résultats variés. Il est possible d’améliorer encore la situation.

Les facteurs contraignants : comment s’adapter à ce qui peut nous déstabiliser

Vous aimeriez bien faire votre thèse dans des conditions idéales : avoir un bureau à vous, un financement, des collègues amicaux, des horaires de bureau et une vie calme. Mais souvent, la réalité est toute autre. Plus de la moitié des thèses en SHS n’ont pas de financement. Même s’ils sont financés, beaucoup de doctorants (ATER notamment) doivent donner des cours en échange. Travailler et faire sa thèse, ce n’est pas simple, et on ne peut pas aller aussi vite que les autres (j’avais fait une vidéo sur ce sujet). Quant à avoir un bureau personnel : c’est carrément du luxe !

Et puis, pendant une thèse, la vie continue ; on peut tomber malade ; se marier ; avoir des enfants ; avoir des problèmes familiaux… ça ne favorise pas la concentration, et c’est ainsi que les thèses s’allongent. Car la thèse n’est pas un travail mécanique, elle demande du calme et du temps ; elle ne rapporte rien à court terme, et aux premières turbulences, elle ne devient plus prioritaire, les autres obligations de la vie lui passent devant.

Toutes ces contraintes, vous ne les effacerez pas. La vie et la thèse doivent cohabiter ; et même si vous ralentissez parfois, il faut garder le contact avec votre recherche et chercher une forme de régularité. Je l’explique dans mon guide du Doctorant, à télécharger ici si vous ne l’avez pas encore fait.

Les facteurs irréductibles

Ici je vais vous dire quelque chose qui n’est pas bon à entendre : même si vous parvenez à corriger les facteurs que j’ai évoqués plus haut, même si vous êtes bien encadré-e, bien formé-e, assez régulier-ère… Vous mettrez du temps à faire votre thèse. Moins de temps que quelqu’un qui est seul et perdu, mais tout de même, du temps.

Combien de temps ? Je ne sais pas, et vous non plus.

Voilà, le pavé est jeté dans la mare : une thèse, c’est long. L’administration voudrait bien qu’il n’en soit pas ainsi (et vous aussi), mais il y a une part irréductible dans cette lenteur.

Plus vous vous mettez la pression, ou plus on vous met la pression des échéances, et plus vous avancez lentement, et plus cette lenteur vous désespère. Il n’est donc pas si facile « d’accélérer », vous en avez certainement fait l’expérience.

Nous sommes dans une ère d’efficacité et d’immédiateté ; or une thèse n’est jamais rapide, un doctorant n’est jamais 100% efficace. Les échéances sont rarement tenues, les calendriers prévisionnels sont vite obsolètes. La thèse s’accommode mal des contraintes temporelles, et pourtant, ces contraintes vous obsèdent : c’est une tension inhérente à l’expérience que vous êtes en train de vivre.

Pourquoi une thèse prend autant de temps ? Parce qu’il faut du temps pour que les idées mûrissent, pour oser bâtir sa position de recherche, acquérir de la confiance, apprendre à écrire en dialoguant, sur le papier, avec les autres chercheurs. Souvent, un changement subjectif s’opère chez le doctorant : une forme d’affirmation personnelle et de clarification de ses idées. Le temps donne de la valeur à ce processus. C’est pourquoi il n’est pas toujours possible d’accélérer le travail.

Conclusion

Le remède à des thèses trop longues ne sera jamais un remède absolu ; il ne permettra pas d’accélérer le travail de recherche, qui a un rythme propre, mais plutôt d’ôter les freins qui empêchent son cours normal.

Les institutions développent des solutions, à travers la formation ou un meilleur suivi. Les pratiques des acteurs doivent changer également : directeurs plus présents et plus pédagogues (car oui, la recherche s’apprend et s’enseigne !)  et doctorants plus confiants et plus ouverts aux échanges.

Vous connaissez cette citation que l’on prête à Marc-Aurèle ? « O dieux, donnez-moi la sérénité d’accepter ce que je ne puis changer, le courage de changer ce que je puis, et la sagesse d’en connaître la différence ».

J’espère que cet article vous aidera à adopter cet état d’esprit. Vous pouvez (devez) chercher à briser l’isolement, à vous former, à échanger avec vos pairs, à être régulier dans le travail. Par contre, il est inutile de vous flageller et de vous imposer des objectifs que vous n’atteignez pas, parce qu’ils ne sont pas réalistes.

Alors courage à vous, et je vous souhaite de pouvoir vous détacher de l’idée fixe du temps qui passe pour pouvoir goûter la joie de l’élaboration des idées et de l’argumentation !

Et n’oubliez pas : si vous souhaitez partager votre expérience, les commentaires sont ouverts !

 

Les commentaires sur l’article :

16 Commentaires

  1. Allé

    Merci Emilie pour vos avis, conseils et suggestions.
    En 3e année présentement je ne peux pas attribuer le retard de ma thèse à mon directeur, certes, mais j’avoue que j’ai du mal à comprendre le style du laissez-faire. Laisser le doctorant travailler sur une piste durant plus d’un an et y apporter sa touche après, qui remet souvent tout le travail en cause. Ce n’est pas toujours aisé même si ça m a permis à la fin de prendre conscience de mes erreurs. J’espère tenir bon pour la suite.

  2. Faracha

    Je suis en 3eme année et je me sens en retard, j ai réalise mon premier chapitre et la en 2eme mais j avoue que je dois quand même réviser les deux ; et en mm temps je travaille sur l adaptation d un test a ma culture; avec ma responsabilité je me sens très en retard mais surtout j avoue que je perd du temps et l ignorance de la méthodologie de recherche parfois je cherche un point et je me trouve dans un autre lieu résultat mâtiné perdue

  3. Christian Dior MOULOUNGUI

    Bonjour, j’ai apprécié votre contribution. En effet, elle me paraît lucrative pour ma rédaction de thèse. Par ailleurs, est-il possible de boucler la première partie de sa thèse dès la première année de recherche ?

    • Tariq Ibn Chafa

      Cher collègue, Pour réussir une thèse il faut être très méthodique. La première année doit être exclusivement réservée à la recherche des informations Sur (le sujet, l’auteur, les critiques et théoriciens). La deuxième année doit être consacrée à l’exercice de repérages et la construction d’un plan. La troisième partie Tourne autour de la rédaction totale de toute ta thèse (en 6 mois, tu termines la rédaction si vous êtes régulier dans votre planning de travail).
      Ma modeste contribution.

      Bien aimable à vous.

      • Ilunga ntambo biamungu

        Merci beaucoup c’est profond. Car vos conseils sont pertinents. Moi même j’ai déjà fini à rédiger ma thèse de doctorat dans 3 mois car j’avais déjà collecter les données et préparer mon plan et chronogramme.

  4. Melchior

    Bonjour Madame,
    Merci infiniment pour votre contribution efficace dans l’orientation des jeunes chercheurs. C’est toujours pour moi un réel plaisir de vous lire.

  5. Dieudonné

    Bjr,
    Merci infiniment pour ces orientations et conseils édifiants! Finalement, la thèse, c’est comme une course de résistance…

  6. Sabrina

    Bonjour. J’ai soutenu ma thèse en mars 2020 à l’université Laval des le domaine des sciences de l’éducation. Cela m’a pris en gros 6 ans. Enseignante de formation, j’avais peu d’informations sur ce qui concerne la recherche. Du fait d’ un parcours assez atypique, je n’ avais pas vrainent évoluée dans une université ( 2 annees infructieuses en droit) mais plutôt dans une École normale supérieure. De plus, il m’a fallu m’adapter à un système qui était très différent du système français. Quoique le parcours soit bien  » encadré » ( examen de doctorat, projet de recherche doctorale, soutenance) à l’ Université Laval, j’ai été souvent confrontée aux troix facteurs énumérés dans l’article. Mais le plus dur a été du coté des formalites administratives. Cela a miné vraiment mon moral à mainte reprises. D autant plus qu’il à fallu près d’ un an après que J’ ai terminé la rédaction de ma thèse pour que puisse enfin soutenir ( lecture par la directrice, prélecture d un membre du jury, correction, lecture des membres du jury, rapport des membres du jury, correction, programmation, etc. ). Chacun de ses éléments prends du temps ( 2 à 3 mois). Par contre, j’ ai été soutenue par ma directrice de thèse qui prenait le temps de me guider, de m’orienter sur les papiers à remplie et qui a même dû taper du poing sur la table face de trop grosses lenteur.

    • Émilie Doré

      Bonjour Sabrina, oui les difficultés administratives peuvent être très pesantes ; c’est le cas pour les doctorants étrangers notamment, qui ont toujours la pression d’une paperasse supplémentaire avec le renouvellement des droits au séjour. Bravo pour votre parcours, votre persévérance vous a permis de tenir.

  7. POSE

    J’ai moi même entrepris une thèse à ma retraite alors que j’avais un contrat d’expert dans un pays étranger. J’ai soutenu cinq ans après avec des dérogations à 63 ans accomplis. J’avais l’avantage de l’âge et du temps devant moi. Cela a été une magnifique expérience.

    • Émilie Doré

      Bravo ! Oui, la pression du temps touche de manière très forte les « jeunes doctorants », surtout quand ils envisagent une carrière académique après. A un autre âge, on relativise, on prend le temps qu’il faut. Félicitations pour ce parcours !

  8. Ketty

    Bonjour. Je me suis trouvé une communauté…de personnes qui savent ce que je vis. Je suis en 2ème année et ma directrice de thèse a été en arrêt maladie un long moment, et maintenant elle m’annonce qu’elle change d’université : je la suis où je me trouve un autre encadrant. C’est épuisant ces bouleversements…et je ne parle pas de la crise sanitaire qui a bouleversé mes projets de voyage d’étude. Bref, flegme, patience, lâcher prise, abnégation et ne pas être trop dur avec soi-même : voilà l’attitude adéquate pour ne pas s’effondrer le jour de la soutenance. Je tiens bon!

    • Émilie Doré

      Bon courage à vous !

    • Sahoué

      Bonjour , j’ai beaucoup apprécié votre article qui m’a apporté quelques soulagement. En vérité je suis en 3 ieme année de doctorat et jusqu’à là je n’ai pas encore terminé la rédaction de ma première partie ce qui me stress énormément. Merci infiniment pour vos conseils qui ma foi me seront très utiles.

  9. Gosset

    Bonjour,
    J’ai soutenu ma thèse il y a deux ans. Je souhaite aborder ici la question du manque de pédagogie et de compétence en encadrement de thèse de certains chercheurs et chercheuses, que toute ouverture dans l’encadrement ne pourra pas venir palier. J’aborde ce point sous un angle un peu singulier, puisqu’avant de devenir chercheuse, j’ai été infirmière.
    Une fois qu’on a son diplôme d’infirmière en poche, on est supposé pouvoir rapidement encadrer les étudiant.e.s en soins infirmiers. J’ai longtemps été mal à l’aise avec cet encadrement, parce qu’à mon époque (et je pense que c’est encore le cas), il n’y avait aucun échange là-dessus, ni pendant la formation, ni par la suite, dans les services. Ce métier du « faire » s’apprend en faisant, et une infirmière n’avait pas vraiment de pédagogie pour apprendre en faisant à sa future collègue. (Le métier étant très majoritairement féminin, vous me permettrez d’employer le féminin). Un jour, j’ai lancé le sujet au sein de mon équipe avec quelques collègues avec lesquelles j’étais en confiance. Ce n’est pas évident de dire qu’on sait faire des choses, mais qu’on se sent mal à l’aise d’encadrer des étudiantes. L’une d’elle qui s’intéressait particulièrement au sujet m’a conseillé de lire un petit ouvrage de pédagogie du soin (et c’était bien la première fois que j’entendais parler de ça). Ceci m’a permis de comprendre des choses qui m’échappaient complètement, et de trouver mon style dans l’encadrement des étudiant.e.s en soins infirmiers, tout en tentant de m’adapter à chaque personne.

    En tant que doctorante, j’ai été encadrée par quelqu’un qui n’avait apparemment aucune méthode d’encadrement, et j’en ai pâti. En revanche, j’ai eu la chance de pouvoir traduire auprès d’un directeur de recherche en co-tutelle pour des ami.e.s doctorant.e.s étranger.e.s. Ce directeur de recherche est très intéressant, il a une méthode d’encadrement, et le fait qu’il ne parle pas anglais a été une chance pour moi: j’ai pu, bien que tardivement dans l’avancée de ma thèse, bénéficier de sa méthode. Par ailleurs, il a accepté une ou deux fois que nous échangions autour de ma thèse.

    Je crois qu’en France (et je ne sais pas comment c’est ailleurs), les directeurs et directrices de thèses reproduisent souvent la façon dont ils et elles ont été dirigé.e.s durant leur propre thèse. Je ne suis pas certaines qu’ils et elles échangent à ce sujet. Cela ne doit pas être possible partout, et cela ne doit pas être facile. Je soupçonne certain.e.s d’être démuni.e.s, au point effectivement de se désintéresser de leurs doctorant.e.s. Comment leur en vouloir? La pédagogie, ça s’apprend, et devrait être objet d’échange. Certaines personnes qui ne sont pas à l’aise avec la direction de thèse pourraient vraiment en bénéficier, ce qui se répercuterait sur les doctorant.e.s. Est-ce que cela raccourcirait la durée des thèses? Aucune idée. Mais il est certain que cela permettrait à tou.te.s les doctorant.e.s de donner le meilleur d’elles et eux-mêmes. Et ainsi d’être moins déstabilisé.e.s par les effets temporels du déroulement d’une thèse.

    • Acif de Nombedouma

      Cette analyse est juste. Je suis en 3e année de thèse et j’ai eu la chance de rédiger mes deux premières parties sous une direction stricte et méthodologique de mon directeur. Mais la lenteur, généralement, provient des maladies et des problèmes familiaux.
      Merci pour ce texte.

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