Vous venez enfin de recevoir les évaluations de l’article que vous souhaitez publier… Ou bien des remarques sur ce chapitre de votre thèse que vous avez donné à relire. Vous ouvrez le message et vous découvrez… des critiques. Des commentaires sur ce qui ne va pas. Des suggestions que vous n’avez pas envie d’entendre. Une bouffée d’émotions négatives vous envahit… Oui, c’est vrai, ce n’est pas facile de recevoir des observations sur votre travail de recherche. Pourtant, pour avancer sans vous enfermer dans votre coquille, vous allez devoir accueillir les critiques, les comprendre, évaluer leur pertinence et leur capacité à éclairer votre travail. Voici quelques pistes pour mieux vivre cette épreuve qui se reproduira souvent dans votre vie de chercheur.

Pourquoi la critique nous fait-elle mal ?

Non, vous n’êtes pas « anormal » si votre sang bout quand vous recevez une critique. D’abord parce que votre travail de recherche est comme votre bébé ! Il accapare votre temps, vous y mettez beaucoup de passion, c’est une activité créatrice où vous vous confrontez à vous-même et à vos capacités… Donc vous prenez les critiques personnellement.

Il y a aussi une autre raison, c’est qu’on met tous un peu de temps (ou parfois beaucoup de temps) à comprendre que la critique est un aspect banal du processus de recherche : cela fait partie de la recherche. Et si on met du temps à le comprendre, c’est parce que nous avons pris l’habitude de considérer, pendant toute notre scolarité, qu’une critique allait de pair avec une mauvaise note. Pendant les études, il faut apprendre un cours, et en théorie celui qui maîtrise son cours a une bonne note. Mais quand vous faites de la recherche, il n’y a plus de modèle de référence, aucun cours ne va vous indiquer ce que vous êtes censé trouver et écrire. La recherche se fait dans une certaine incertitude : ceux qui vous critiquent ne détiennent pas la réponse à vos questions ; et vous-même vous pouvez vous tromper dans votre analyse, à tout moment. La discussion critique est donc essentielle : elle sert à confronter les points de vue pour arriver à une analyse vraisemblable de la réalité.

Si on vous laissait vraiment seul face à la réalité, vous pourriez dériver, commettre des erreurs en vous enfermant dans votre raisonnement. Le regard critique de vos collègues est là vous éviter cela (tout comme la lecture attentive des autres études sur votre thème : d’où l’importance de la bibliographie).

La critique est inévitable, mais….

Quand vous êtes en situation d’être critiqué, ce n’est donc pas comme quand vous passiez un examen à l’école. Vous ne devriez pas vous sentir pris en faute. Il s’agit juste d’un processus normal de la recherche. Il n’y a pas de moyen de vérifier dans l’instant que votre propos correspond à la réalité, alors on teste votre argumentation, pour vous amener à fournir une argumentation claire, convaincante, plausible.

Mais… je devine votre objection : certaines critiques sont mauvaises, peu constructives. Et certains chercheurs qui vous critiquent se servent de cette situation pour asseoir leur position hiérarchique : cela n’a alors plus rien à voir avec la neutralité scientifique. En fait, surtout en début de recherche, on ne sait pas à quoi s’en tenir avec les critiques. Doit-on résister, s’y soumettre ? Comment distinguer les critiques utiles de celles qui sapent votre travail ?

Comment réagir ?

Votre tâche est de comprendre ce que peuvent vous apporter les critiques, et de séparer en elles ce qui est pertinent pour votre recherche de ce qui ne l’est pas. Vous devez savoir accueillir une critique, mais savoir aussi ne pas vous plier à toutes les exigences : après tout, vous avez le droit d’avoir un propos original.

Tout d’abord, si vous recevez la critique par écrit (évaluation d’un article par exemple), vous n’avez pas à réagir à chaud, donc le mieux est… de ne rien faire sur le moment. Refermez le mail, laissez passer un jour ou deux, puis rouvrez le mail quand vous aurez l’esprit plus calme, plus clair.

Vous allez alors pouvoir analyser tranquillement, à tête reposée, la critique (qui peut être une objection ou une suggestion) que vous venez de recevoir.

À l’oral : réagir dans l’urgence

À l’oral, vous n’avez pas le confort de pouvoir réfléchir longuement, vous devez répondre rapidement à un commentaire. Il est important de garder une apparence de calme, vous n’avez pas à paraître troublé ou encore moins en colère.

Si la critique soulève un point auquel vous n’aviez pas pensé, reconnaissez-le tranquillement et remerciez votre interlocuteur d’avoir apporté cet éclairage. Les séminaires sont faits pour ça, après tout.

Vous pouvez, dans votre réponse, commencer par reformuler la critique qui vous a été adressée : c’est utile pour vous assurer d’avoir bien compris, et pour gagner un peu de temps.

Par exemple, si on vous a reproché d’avoir trop peu expliqué un contexte politique, commencez par formuler de nouveau cette critique : « vous dites que je n’ai pas abordé le contexte politique dans mon exposé » ; le simple fait de le redire vous permet d’intégrer rapidement le sens du commentaire ; vous pouvez ensuite répondre, par exemple : « j’ai choisi en effet de plutôt mettre l’accent sur tel ou tel autre élément, sachant que le contexte politique a déjà été très étudié par d’autres chercheurs ». Cette réponse explique la lacune tout en valorisant d’autres éléments de votre travail. D’une manière générale, il est mieux de ne pas contredire ouvertement un interlocuteur à l’oral, mais plutôt de reprendre sa formulation et de la nuancer, de montrer en quoi votre point de vue est différent et complémentaire du sien.

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Si votre interlocuteur se base sur sa propre expérience de recherche pour avancer une objection à votre travail, vous pouvez vous lui rappeler la spécificité de votre terrain  ou de votre sujet d’étude pour lui répondre. Mais attention, à la longue, si vous rejetez toute remarque en soulignant que votre thème a des particularités que vous seul pouvez saisir, vous courez le risque de vous enfermer dans votre thématique de recherche, de ne plus pouvoir nourrir votre questionnement en communiquant avec les autres.

Il est important, une fois le séminaire ou la soutenance passés, alors qu’il n’y a plus urgence à répondre, de réfléchir de nouveau, tranquillement, aux critiques qui sont apparues.

Conclusion

En somme, vous pouvez cultiver une certaine humilité, qui permet de savoir reconnaître ses erreurs sans en faire un drame, mais aussi une certaine combativité : si un argument vous tient vraiment à cœur (parce que vous sentez qu’il a un fort pouvoir explicatif, et que vous pourrez vraiment parvenir à montrer cette qualité), alors défendez-le. Mais pour cela il faut que vous sachiez clairement quels arguments vous tiennent vraiment à cœur : lesquels sont vraiment centraux dans votre travail. Réfléchissez-y avant de vous lancer dans l’arène.

Ne vous écrasez pas devant les critiques, ne devenez pas sourd non plus. Gardez votre liberté, face à vos interlocuteurs mais aussi face à votre ego !

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