Vous traversez une période difficile dans votre thèse, vous vous sentez découragé(e), au point que vous vous demandez si vous ne feriez pas mieux d’arrêter ?
Ce genre de questionnement est assez douloureux et difficile à évoquer ; pourtant, je crois que la plupart des doctorants en SHS et Lettres se sont posés la question à un moment ou à un autre. Alors, autant aborder ouvertement le sujet.
Environ 40% de doctorants de SHS décident d’arrêter leur thèse. Dans cet article, je ne vais pas mener une analyse des causes structurelles de ce qu’on appelle le taux d’abandon de thèse. Vous trouverez des rapports intéressants sur la Toile, ici par exemple .
Je vais plutôt placer mon propos sous l’angle de la prise de décision du doctorant. Comment savoir si l’on doit arrêter ou continuer ?
Cette décision est incroyablement complexe. Il ne suffit pas d’en avoir marre et dire basta, j’arrête ! En réalité, quand on mène une thèse depuis plusieurs années, on se retrouve au centre d’un entrelacs de loyautés diverses, d’engagements, de normes sociales, d’attentes personnelles qui finissent par obscurcir notre discernement.
J’ai remarqué qu’il y a autant de façons de vivre un arrêt de thèse que de doctorants concernés. Ce n’est pas forcément un drame, mais c’est toujours une expérience marquante. Certains ex-doctorants ont un sentiment, malgré tout, d’aboutissement : ils ont aimé leur parcours de thèse mais ils ont aussi aimé y mettre fin prématurément, pour passer à un autre projet mieux accordé à leurs envies ; d’autres sont soulagés d’échapper à la souffrance, après des phases aigües de somatisation ou dépression ; d’autres encore sont amers et déçus de devoir arrêter, à causes de circonstances extérieures adverses. Cela dépend vraiment des trajectoires de chacun.
Dans le podcast Thésard-es, par exemple, vous trouverez des témoignages qui soulignent bien la diversité des situations et le caractère multifactoriel d’une décision d’arrêt de thèse.
En écoutant les doctorants, j’ai tout de même l’impression que ce n’est pas la quantité d’obstacles rencontrés qui mènent à un arrêt de thèse : c’est plutôt la perte de sens. Certains facteurs contribuent à vider la thèse de sa raison d’être ; mais comment les identifier avec certitude ? Comment être sûr qu’arrêter la thèse est la meilleure chose à faire, et pas une reculade ? Voyons cela ensemble.
Je vais vous proposer une grille de lecture de votre état actuel, pour que vous puissiez organiser vos idées et prendre la bonne décision ; et ici j’entends par « bonne décision » celle qui vous remettra sur le chemin de votre épanouissement personnel. Cela implique de décrire et nommer certaines réalités, pour commencer.
Le coût d’une thèse
Les paragraphes qui suivent ne sont pas des plus légers, je m’en excuse, mais nous devons commencer par là : faire une thèse a un « coût ». C’est d’ailleurs le cas de beaucoup de choses importantes dans la vie : se former a un coût, faire des enfants a un coût, veiller sur sa santé aussi, et même se faire des amis.
Et le coût de la thèse est élevé, c’est indéniable : coût en temps, en énergie, en argent. L’ignorer, c’est s’exposer à une forte déception.
Le coût en temps se compte en mois/années de travail intense ; au quotidien, vous devrez rogner sur d’autres activités, repousser certains projets pour laisser place à la thèse.
Le coût en argent est variable selon que vous êtes financé ou pas ; mais je crois qu’on peut dire sans se tromper que la thèse est une activité… Pas très lucrative.
Le coût en énergie psychique est peut-être le plus notoire. La thèse, pour employer un terme à la mode, c’est une charge mentale : vous y pensez tout le temps. Elle occupe votre esprit, elle n’est pas du tout discrète dans votre vie. Elle est comme un nouveau-né exigeant !
Et il y a pire (désolée, mais là c’est pour vider le sac des inconvénients) : pour faire une thèse, il faut souvent mettre en place une sorte de résistance mentale à la pression institutionnelle, résistance qui, elle aussi, est très coûteuse en énergie. De quoi je parle ? Eh bien, du comité de suivi qui fait pression pour que vous respectiez un calendrier irréaliste, ou de la fac qui attend que vous donniez des cours, ou encore du directeur qui ne veut vous voir que si vous rendez un chapitre tout bouclé, et même parfois des autres doctorants qui cherchent à savoir si vous avancez, ou enfin du énième colloque auquel vous devez « absolument » participer…
Vous n’avez sans doute pas rencontré TOUS ces facteurs décourageants, mais sûrement un ou deux parmi eux. Le milieu universitaire n’est pas toujours votre meilleur allié ; certains trouveront que dire cela est un euphémisme.
(NB : Oui, je sais qu’il existe des directeurs admirables, des comités bienveillants, des collègues doctorants solidaires, des ED compréhensives : j’en connais aussi ; mais la tendance structurelle est tout de même plutôt à mettre la pression sur le doctorant pour qu’il finisse, et vite ! Et pour qu’il fasse 20 autres choses à côté, ce qui est contradictoire).
Ceci étant posé (c’était le plus douloureux), qu’y a-t-il en face de tous ces coûts, de l’autre côté du ring ?
Votre motivation
Votre motivation peut être intrinsèque (tout ce pour quoi vous aimez la thèse en elle-même) et extrinsèque (ce que vous attendez de la thèse, ce sur quoi elle vous permettra de déboucher).
Je n’aimerais pas tomber dans le piège de juger quelles sont les « bonnes » motivations et quelles sont les « mauvaises » ; ce pourrait être choquant, surtout que pour s’inscrire en thèse, il faut forcément être très impliqué : ce n’est pas le genre de chose qu’on fait en touriste.
Mais j’aimerais bien vous guider, alors je suis obligée de me « mouiller » un peu, quitte à faire des mécontents.
Donc oui, je peux dire tout de même (et il n’y a AUCUN jugement de valeur), qu’il y a des motivations suffisantes et des motivations que, faute de mieux, j’appelle insuffisantes.
Une motivation suffisante, c’est quand la thèse et elle-seule, permet de combler un besoin intellectuel primordial.
Par exemple, vous désirez faire carrière dans la recherche en Droit. C’est une vocation, vous adorez analyser les textes de lois, ou les conventions, ou les constitutions ; mais vous ne voulez pas devenir magistrat ; vous voulez juste faire de la recherche. Seule la thèse vous permettra de réaliser ce vœu. C’est une motivation suffisante.
Ou bien, imaginons que vous êtes professeur d’Histoire et Géographie dans le secondaire. Vous êtes passionné par le Bas Moyen-Age, et notamment par une certaine corporation de métier : mais ce n’est pas le genre de sujet que vous pouvez exposer longuement en classe. Vous avez un fort besoin de défi intellectuel, pour ne pas être rattrapé par la frustration. C’est une motivation existentielle suffisante. En réalité, seule la thèse pourrait vous donner le niveau d’exigence que vous cherchez, pour satisfaire à votre passion.
Maintenant, imaginons plutôt que vous êtes une cadre en entreprise, dotée d’un master, passionnée par la gestion des ressources humaines ; et vous êtes révoltée par un phénomène que vous observez. Vous décidez de vous inscrire en thèse pour aller plus loin dans la réflexion. Si le désir d’analyser (avec toute la lenteur et les précautions requises) est moins fort que celui de dénoncer, votre motivation sera « insuffisante » : la thèse semblera aride, lente, froide. Si, en plus, vous militez dans une association, dont vous tenez le site internet qui vous permet de publier des articles d’opinion, la thèse se vide encore plus de sa substance. Est-ce vraiment une thèse, ce que vous souhaitiez faire ? Votre désir de dévoiler une réalité (qui est votre besoin primordial) trouve sa réalisation ailleurs : la thèse n’est pas strictement nécessaire pour vous, et au fur et à mesure, vous perdrez l’envie d’y travailler.
Voyez donc si le besoin primordial que vous désiriez combler est effectivement satisfait par le travail de recherche, vraiment grâce au travail de recherche et à ses spécificités.
J’arrête là, car les exemples sont toujours un peu insatisfaisants : il n’y a que vous-même qui puissiez savoir ce que cache profondément votre motivation ; et une motivation qui paraît nébuleuse, vu de l’extérieur (dans mon cas, je ne savais pas quoi répondre quand on me demandait pourquoi je faisais une thèse) peut pourtant être très puissante, intimement ; et vice-versa, une motivation évidente peut se révéler bien creuse.
L’équilibre coût/motivation
J’ai essayé de définir 4 situations-types dans lesquelles peut se retrouver un doctorant. Ces situations vont, je l’espère, vous permettre de réfléchir à votre propre cas (à noter que ma démonstration est purement empirique : ce post est un article d’opinion, pas un article scientifique).
Avant de présenter les situations-types, que j’ai résumées dans un tableau, voici quelques précisions : si la thèse a toujours un « coût », celui-ci peut être plus ou moins élevé, cela dépend des circonstances. Je vais donner quelques indications de ce qu’on peut appeler « coût bas » : ce pourrait être le cas où le doctorant n’est pas en précarité financière, n’est pas assailli par des contraintes extérieures (enfants, emploi à côté, problèmes de santé), et ne subit pas de pression forte dans son laboratoire. On va dire que la thèse a un coût élevé quand elle a un impact financier non négligeable, quand le doctorant dispose de peu de temps au quotidien et qu’il est stressé par cela, et / ou quand les relations au laboratoire sont peu satisfaisantes et que la pression est forte de ce côté.
Mais encore une fois, ces catégories sont très subjectives : c’est à vous de décider si votre thèse a un coût que vous trouvez plutôt facile à intégrer dans votre vie ou plutôt difficile.
Situation A : c’est la conjoncture la plus favorable, le doctorant n’a pas envie d’arrêter la thèse ou alors de façon très ponctuelle. Les difficultés sont surmontables, la thèse sera menée à bien.
Situation B : C’est une situation de tension : le doctorant ne veut pas renoncer, la thèse garde son sens mais le travail au quotidien est difficile. Un arrêt de thèse serait vécu comme une immense frustration ; si vraiment les circonstances sont invivables, peut-être vaut-il mieux envisager une suspension temporaire de la thèse, plutôt qu’un arrêt définitif.
Situation C : Une conjoncture qui mène typiquement à l’enlisement. La motivation est variable, mais poursuivre peut sembler moins coûteux qu’arrêter, alors on poursuit, vu qu’on a commencé. Pourtant plus le temps passe, plus le coût de la thèse augmente, par accumulation. La décision d’arrêter peut finalement survenir, pour le mieux ; mais si elle est tardive, elle peut déboucher sur un sentiment de gâchis.
Situation D : Une conjoncture douloureuse, où l’arrêt serait objectivement souhaitable ; et pourtant, la décision n’est pas forcément facile à prendre. Quand elle sera enfin prise, le soulagement prévaudra.
En ce qui concerne les situations C et D, j’ai noté que la décision d’arrêt pouvait être positive. Elle peut être une libération. Pourtant, il peut se passer des mois ou des années avant qu’elle survienne : pourquoi ?
L’escalade d’engagement
Pourquoi persévère-t-on sur une voie qui ne nous convient plus, et qui peut même nous coûter très cher ? Les chercheurs en psychologie sociale (peut-être y en a-t-il parmi vous !) connaissent bien la réponse. Je vais essayer de la vulgariser.
Il s’agit d’un biais dans la prise de décision, que l’on peut appeler l’escalade d’engagement : plus nous avons engagé d’efforts pour un acte, plus nous souhaitons le justifier a posteriori, moins nous voulons le renier et changer de voie, et ce, quel que soit le bénéfice réel que nous en tirions.
Par exemple, vous cherchez à acheter un vélo d’occasion ; vous allez sur un célèbre site de petites annonces entre particuliers. Vous hésitez entre deux vélos ; l’un est proche de chez vous, pas trop cher ; l’autre est plus loin, juste un peu plus cher, mais il a l’air plus beau ; vous optez pour ce dernier, en vous disant que vous avez envie de vous faire plaisir. Vous y allez, vous passez une demi-heure dans les transports. A cause de ce coût initial (le temps dans les transports), il y a de fortes chances que vous ne puissiez pas vous avouer à vous-même que vous êtes déçu en voyant le vélo. Et si vous l’achetez, vous vous justifierez votre acte à vous-même : il était quand même mieux, ça fera l’affaire.
Plus le coût pour accomplir l’action est élevé, plus vous trouverez le moyen de justifier l’action. En psychologie, on appelle cela l’effet de persévération (les premières études sur ce sujet ont eu lieu dans les années 1940, mais c’est le psychologue Charles Kiesler qui a décrit le plus précisément ce phénomène, expérimentations à l’appui, au début des années 1970).
Dans des situations qui se déroulent sur le long terme et impliquent beaucoup d’actions en chaîne, il finit par se former une escalade d’engagement, qui paraît inextricable. Ainsi en va-t-il de certains couples : après avoir acheté une maison ensemble, après avoir engagé tant d’efforts et de dépenses pour le ménage, on préfère rester ensemble même si ce n’est pas satisfaisant et que les bases affectives ont disparu.
Je suis sûre, cependant, que vous n’aimeriez pas entretenir avec votre thèse les même relations qu’un mari aigri avec son épouse (ou l’inverse). Peut-être est-il temps, alors, de reprendre votre liberté de décision et d’écarter ce biais cognitif.
Revenez à l’essentiel
D’une manière générale, ce n’est pas parce que votre thèse vous coûte que vous allez l’arrêter. D’abord, à cause du problème de l’effet de persévération, cité plus haut. Mais, également parce qu’un coût élevé ne signifie pas nécessairement qu’il serait bon d’arrêter.
J’observe au quotidien des doctorants qui mènent une thèse très coûteuse en temps, en énergie, en argent, mais à qui je ne conseillerais pas (si on me le demandait) d’arrêter.
Car la variable la plus décisive, selon moi, c’est la motivation ; c’est cette variable qui fera que la décision d’arrêter sera plus ou moins bien vécue, qu’elle sera logique et bénéfique, ou au contraire qu’elle laissera un arrière-goût d’échec.
Sondez votre motivation. Pour l’évaluer, déjouez d’abord le piège de l’escalade d’engagement. Si l’on met de côté tous les efforts engagés, si on la considère en elle-même, quelle valeur a votre thèse, non pas aux yeux des autres, mais à vos yeux ? Quel besoin intellectuel primordial couvre-t-elle, que rien d’autre ne pourrait couvrir aussi bien ?
Ce sont les seules questions à se poser.
Si vous identifiez une motivation élevée, mais que vous souffrez (vous êtes dans le cas B) ; alors prenez le taureau par les cornes : vous avez une marge d’action pour vous sentir mieux.
D’une part, vous pouvez réduire certains coûts, surtout ceux qui sont de l’ordre de la pure perte, ceux qui vous épuisent, vous vident : je parle ici de coûts psychiques. Arrêtez de vous battre contre les moulins à vents : acceptez plutôt que oui, votre thèse sera plus longue que prévue. Qu’elle ne peut aller qu’à son rythme. Que non, vous ne tiendrez pas le calendrier initial. Et que non, se comparer aux autres ne sert décidément à rien.
Quant aux autres coûts, opérez un changement de vision…
Quand le coût devient investissement
Une thèse est un formidable accomplissement, et c’est un accomplissement qu’il faut nourrir.
Si vous avez identifié votre motivation, alors vous pouvez comprendre que quand vous donnez des ressources à votre thèse, vous vous les donnez à vous-même. Quand vous lui donnez de l’énergie, ou quand vous lui donnez de l’argent (même si c’est par le simple fait de renoncer à des revenus), ou encore quand vous lui donnez du temps, vous nourrissez la réponse à votre besoin primordial. Vous vous nourrissez !
Il n’est plus question de coût alors, mais d’investissement, et vous devez être prêt-e à investir intelligemment dans la thèse : si vous avez des blocages de méthode, formez-vous ; si vous avez peu de temps, priorisez la thèse et cessez de vous disperser etc. ; et si vous ne supportez plus votre environnement, cherchez une conciliation ou un changement de direction de thèse.
Pour conclure, je dirais qu’une thèse n’a pas besoin d’être soutenue pour être un succès. Peut-être aviez-vous une motivation suffisante pendant un temps ; et ensuite, cette motivation a changé, au gré des expériences de vie.
Mais les années consacrées à la thèse vous ont beaucoup donné : elles vous ont rendu tout ce que vous y aviez investi, si vous avez pris conscience qu’il s’agissait d’un investissement ; et elles vous l’ont rendu sous forme de compétences, de confiance, d’affirmation, d’expérience. Et cela, que vous alliez jusqu’au bout ou pas, personne ne vous l’enlèvera !
Alors sentez-vous libre de décider, car si vous avez valorisé les étapes du chemin, ce n’est pas si grave que vous n’atteigniez pas la destination… Ou que la destination change en cours de route.
Vous pouvez poser des questions ou témoigner dans les commentaires, mais pensez à le faire de façon courtoise, positive. Votre témoignage peut être utile aux autres !
Bonjour,
Merci pour cet article qui m’aide énormément dans ma réflexion. Je le trouve très positif malgré la douleur émotionnelle que peut entraîner l’arrêt de la thèse.
Je suis actuellement en 5e année de doctorat en droit financier. J’ai commencé il y a 5 ans administrativement avec un contrat CIFRE, ou plutôt 4 ans car j’ai commencé à travailler concrètement sur mon sujet au bout de 9 mois après mon inscription
administrative en doctorat (entre les démarches administratives et les entreprises qui disent oui puis non…j’ai mis 9 mois pour signer mon financement CIFRE). J’ai commencé ce projet avec une réelle motivation et une démarche intellectuelle entièrement personnelle. Je n’ai jamais eu envie de poursuivre dans la recherche universitaire mais plutôt de me lancer un « challenge » sur un sujet pratique alors que le droit est une matière très théorique. Au bout de ma 4 e année administrative (à la fin de mon financement CIFRE qui dure, lui, 3 ans), je me retrouve déjà confrontée à ce choix d’arrêter ou de continuer car mes directeurs de thèse n’étaient ni satisfaits du plan, ni de la problématique alors que j’avais bien avancé la rédaction (j’avais même quasiment tout terminé). Il a fallu trouver un nouvel angle de réflexion. Confortée par le comité de suivi de thèse, j’ai continué, pourtant très abattue moralement par ce revirement soudain. J’ai totalement changé mon plan et ma problématique, j’ai rédigé de nouvelles pages à la lumière des recherches que j’avais initiées. Pourtant, cela ne va toujours pas. Je dois toujours plus changer mon plan, intervertir des parties, approfondir des sujets pratiques avec des écrits théoriques qui datent du 18e siècle…j’ai l’impression de perte mon temps et que cela n’a plus de sens. Je perds aussi de l’argent car je travaille 4 jours par semaine au lieu de 5 (l’entreprise me laissant le vendredi pour la travailler). J’ai une vie personnelle parfaite, mariée depuis 1 an, des amis, une famille aimante et compréhensive, des collègues bienveillants…qui me font de plus en plus part de leurs inquiétudes concernant ma santé mentale…Je m’épanouis pleinement dans mon travail avec un changement de poste nécessitant de plus grandes responsabilités. J’ai obtenu pleinement la confiance de mes employeurs qui me proposent « le » poste dont rêvait quand j’étais étudiante en M2. Celui-ci demande davantage d’implication intellectuelle. Ma carrière professionnelle est entrain de décoller tandis que ma thèse n’avance pas, j’ai même l’impression de reculer et de toujours recommencer à 0. Mes directeurs de thèse me disent que c’est normal, c’est l’avancée d’une thèse. Ils me disent aussi que je n’ai toujours pas compris ce qu’on attend d’une thèse de doctorat en droit et qu’il faut approfondir, aller plus loin…L’idée d’arrêter ma thèse me fait culpabiliser car je n’aime pas ne pas aller au bout des choses que j’entreprends. Pourtant, il faut me l’avouer, je n’ai plus le temps et la force morale pour travailler dessus 1 jour par semaine après avoir enchaîné 4 jours de travail durant lesquels je ne compte pas mes horaires. J’ai aussi l’impression que cette thèse devient un « fardeau » et qu’elle m’empêche de plus m’impliquer dans mon travail. Je suis tiraillée par la décision d’arrêter ou de continuer car je me dis que c’est vraiment dommage d’enterrer toutes ces recherches et cette implication émotionnelle et intellectuelle…pourtant, j’ai l’impression que cette thèse est entrain de me ronger de l’intérieur jusqu’à un épuisement total…je suis paralysée tous les vendredis à l’idée de ne pas arriver à la travailler. Je n’arrive plus à me « calmer » et à aborder les choses sereinement. Cette anxiété commence aussi à se ressentir sur mon travail au quotidien, je fais des erreurs que je ne faisais pas avant, je suis agacée par beaucoup de choses alors que je suis plutôt d’un naturel calme et réfléchi. Dans mon quotidien personnel aussi, j’ai du mal à prendre des décisions éclairées, des pertes de mémoire…Il est peut être temps d’arrêter les dégâts, après tout je n’ai que 28 ans et j’ai déjà une carrière professionnelle bien plus avancée que je ne l’aurais pensé en sortant du M2.
Bonjour,
Je pense bien comprendre votre frustration et anxiété au quotidien.
Je vis exactement les mêmes difficultés sur le plan professionnel car moi aussi , je fais des erreurs que je ne faisais pas avant, je suis agacée par beaucoup de choses alors que je suis plutôt d’un naturel calme et réfléchie.
Aussi dans mon quotidien personnel, comme vous , j’ai du mal à prendre des décisions éclairées en ayant des pertes de mémoire, jusqu’à l’insomnie…et je sais que tout cela est la conséquence de ma prise de décision d’arrêter ma thèse.
En effet,j’ai dû arreter ma thèse depuis il y a quelques semaines et il était temps d’arrêter les dégâts, mais cette prise de décision ne se passe pas sans conséquence non plus.
Je vous souhaite un bon rebondissement dans ce que vous faites et dites vous que vous avez encore beaucoup de temps devant vous. Il vous suffit juste de prioriser les choses selon les circonstances de la vie et vous allez y arriver.
Bon courage quelques soit votre décision.
Bonjour,
Pour ma part, cela fait 8 ans que je suis sur ma thèse.
Différents aléas de la vie ont fait que j’ai mis ce temps pour avancer. Et malgré tout, je ne suis pas prêt à soutenir cette année 2023. Administrativement parlant, je n’aurai donc plus le soutien de mon université.
Cela dit, ma motivation n’a pas changé d »un pouce. Comme vous le dites dans un passage , c’est le plaisir intellectuel qui m’anime.
Du coup je vais voir si, malgré l’arrêt de cette thèse, une autre université serait d’accord pour m’accepter et me laisser la terminer. J’avoue ne pas savoir si cela est possible et si oui, j’imagine qu’il faudra réaliser des amendements afin de prendre en compte les orientations théoriques et les domaines d’activité de mon/ma futur/e directeur/trice de thèse.
Mais je l’espère et je veux bien vos avis si vous en savez plus à ce sujet. Merci à vous !
Bonjour,
J’ai la même problématique. Et mon actuelle directrice est injoignable…
Avez-vous eu des conseils ?
Merci
La lecture de votre article a été un vrai ascenseur émotionnel.
J’ai été confrontée à tous les facteurs décourageants que vous avez cité (sans exagération). Le pire c’est que dans mon pays le sujet de la thèse et le plan de travail sont imposés par le directeur de thèse, qui est mon directeur de labo, »gentil », sans aucune aide sur le plan scientifique et financier, avec en prime un sujet insipide, des protocoles imposés à la limite de l’empire et un objectif pas très clair (j’ai posé la question et lui même ne sais pas où il veut aller avec ce sujet, ni en terme de publication ni en terme de finalité du travail). Je suis en 3ème année et j’ai vraiment envie de tout arrêter pour recommencer ailleurs avec un nouveau directeur et une nouvelle thématique (et des dépenses financières dont je pourrais bien me passer car je devrais m’expatrier, si j’abandonne je ne peux plus me réinscrire à nouveau) puis je me rétracte en me disant qu’arrivée jusqu’ici autant le finir, après tout un doctorat est un doctorat, avec ou sans thématique intéressante, surtout qu’ils nous imposent de terminer en 4 – 5 ans grand max
Je suis complètement perdue dans mes choix et c’est pénible moralement et physiquement
Bonjour Ines, demandez-vous quelle est votre véritable aspiration. Cela peut être simplement : avoir le diplôme pour obtenir tel poste et pouvoir passer à autre chose (si vous avez un plan de carrière, par exemple). Ou : faire un travail de recherche stimulant et intéressant. L’une ou l’autre option sont possibles et chacune peut avoir sa pertinence ; mais seule l’une d’entre elles correspond à votre véritable attente. C’est la nature de cette véritable attente qu’il faut aller débusquer sous les couches de conventions, contraintes, attentes sociales etc.. Cela veut dire que même si votre choix « coûte cher », s’il correspond à un choix juste, ce sera un investissement fructueux.
Merci pour ton retour et tes conseils que je vais suivre. J’ai un échange téléphonique avec les partenaires au courant de la semaine, je vais leur en parler. Merci encore !
Une belle continuation à toi.
Bonjour Émilie,
Merci pour cet article qui m’aide à y voir un peu plus claire.
Pour ma part, mon projet de thèse en CIFRE n’a pas encore commencé. Cela fait maintenant 1 an que je suis au chômage et que l’on me dit que mon projet va bientôt commencer. En tout cela doit bien faire 10 fois que l’on me dit que je vais signer demain et en fin de compte rien de se passe, ce qui est pas mal comme ascenseur émotionnel.
Ma situation est difficile à gérer psychiquement, financièrement et je ne sais pas si je dois arrêter « si proche de la ligne de départ » si tenté qu’elle ne soit pas trop loin.
Aussi je culpabilise a l’idée d’arrêter la thèse alors que le laboratoire et l’entreprise on fournit des efforts et croit au projet.
Je suis complètement perdue et ne sais pas quoi faire entre arrêter alors que si ça se trouve demain je signe ou continuer à attendre alors que je ne sais pas quand je sais commencer et si je vais commencer un jour.
Merci encore pour ton article.
Bonjour Chloé ! Tu ne peux pas prendre la décision d’arrêter sans une information claire. Le vrai enjeu ici est donc de solliciter une réponse claire et des délais clairs à tes partenaires, donc faire respecter tes besoins en posant des limites sans ambigüité pour qu’ils arrêtent de te balader. Tu peux éventuellement les informer d’une date limite au-delà de laquelle tu devras te désengager. Fais respecter ta position ! Courage !
Bonjour Emilie, et d’abord merci pour ce papier.
Je suis doctorant financé en géographie. J’ai une direction extrêmement bienveillante, des collègues investis et aidants, pas de situation de précarité. En bref, je suis dans des conditions qui m’auraient fait rêver il y a de cela quelques années.
Toutefois, entretemps j’ai eu un enfant, et l’implication demandée me paraît aujourd’hui complètement démesurée. On me demande de travailler les week end, de partir à l’étranger pour plusieurs semaines et on me dit assez frontalement que c’est nécessaire et non négociable à la réussite d’une belle thèse. Premièrement je n’en ai pas envie, mais aussi je vis très mal cette pression « bienveillante » qui inonde l’université. Je vois bien que cette course en avant ne s’arrête pas après la thèse et ça me donne le sentiment de ne pas du tout être à ma place dans le monde de l’université. En plus, il est hors de question que je demande à ma compagne de porter cette charge là. J’ai envie de passer du temps avec mon enfant, au moins le week end.
Plus le temps passe, plus je réalise que ce travail introspectif perd du sens. Je m’épanouis énormément face aux étudiants et j’avais adoré les 3 années passées en collège, avant d’avoir le financement. Je rentre dans ma troisième année de financement, j’ai commencé à écrire, mais les jours passés sur cette thèse deviennent de plus en plus compliqués à supporter. C’est désormais assez fréquent, qu’après avoir posé mon fils à la crèche, je rentre chez moi pour dormir, comportement que je ne me connaissais pas. Ce n’est jamais le cas les jours où j’ai prévu de travailler sur mes cours.
Je le répète, j’ai une direction très bienveillante, j’ai essayé d’en parler. Mais je sens bien que la confiance et l’intérêt qu’a ma directrice dans mon projet (qui ont toujours été une motivation), l’empêche de réaliser que ce dernier est douloureux depuis plusieurs mois, malgré mes tentatives de le verbaliser à plusieurs reprises. L’université est si mal financée, qu’on comprend assez vite qu’il est fondamental pour un département que nous la fassions vivre, quand on fait partie des rares à être dans des conditions de vie satisfaisante. En cela, j’ai l’impression de trahir des individus qui m’ont toujours soutenu depuis la fin de ma licence.
Donc je me dis, quitte à l’écrire, autant la finir. Mais nous sommes en septembre et septembre prochain me paraît le bout du monde alors que je ne m’y suis remis, reposé, qu’il y a 10 jours.
Bref, vous le dites bien, c’est une décision compliquée. Je prendrai une décision d’ici décembre, si la situation ne s’est pas débloquée. Mais j’ai peur de la réaction de l’entourage pro qui, en quelques sortes, à « misé » sur ce projet.
Bien à vous.
Bonjour à tous !
Je suis doctorante en biologie depuis bientôt deux ans et j’envisage de plus en plus de quitter mon doctorat pour en trouver un nouveau.
Les raisons qui me poussent à arrêter sont le déclin net de la motivation et le management. Les personnes qui me supervisent ont un double discours qui est déstabilisant. Selon eux je ne suis pas à la hauteur et je n’ai aucune autonomie et en même temps je n’ai pas mon avis à donner ni des idées à formuler car je « manque de bouteille ». J’ai peur pour l’avenir et je ne sais plus comment raviver les flammes de la motivations. C’est pour cela que l’idée de repartir de zéro est arrivée. Mais j’ai aussi le sentiment d’abandonner trop facilement. C’est vraiment perturbant comme situation. Que me conseillerez-vous de faire concernant le fait de repartir de zéro ?
Bonjour Léa, il y a sans doute des étapes intermédiaires avant de prendre la décision d’abandonner. Avez-vous tenté d’expliquer vos besoins et vos ressentis à vos encadrants ? Sinon, je vous conseille de leur dire sans animosité, mais avec clarté, que vous avez besoin de confiance, d’une marge d’initiative, de respect aussi. Ne le faites pas sur le ton de l’accusation mais plutôt de l’affirmation, de la clarification. Je ne peux pas garantir qu’ils changeront de comportement mais il me semble que pour vous, pour votre estime personnelle, c’est indispensable.
Il est tard, impossible pour moi de trouver le sommeil car trop de choses se bousculent dans ma tête et votre article, comme un phare dans cette tempête, m’éclaire et m’apaise.
Je suis doctorante (1ère année) en histoire moderne, financée par contrat doctoral, sur un sujet qui me plaît, je m’entends très bien avec mon directeur de thèse, la belle vie me direz vous, et pourtant…j’envisage très sérieusement d’arrêter ma thèse.
La raison : je ne me sens pas à ma place dans ce monde qu’est la recherche, si bien que la moindre de mes actions et de mes paroles me semblent fausses (rien que de signer « doctorante » me donne l’impression d’être une imposteure) et que tout ce que je fais me semble nul. A ce conflit de légitimité, s’ajoute un vrai manque de sens à mon travail. Je n’arrive pas à être motivée, je n’arrive pas à rester des heures derrière un bureau, mon esprit est ailleurs. J’ai passé 6 étés à être animatrice en centre de loisirs et je n’ai pas fais le deuil de ce métier qui m’a épanouie pendant ces années. A 23 ans, je me sens malheureuse, vide, triste, complètement perdue. Je veux retrouver ces sourires, cette joie de vivre, cet amour, être utile.
Le déclic : Après des mois de tristesse et de perte de motivation, je viens de voir que ma ville recrute des animateurs à temps plein. J’hésite à postuler…et apprendre en même temps à mon directeur que derrière mes sourires de façade, je ne vais pas bien.
C’est effrayant et angoissant car je ne sais pas ce que peuvent être les conséquences pour lui et le laboratoire si je vais au bout de ma démarche.
Merci pour cet article et de m’aider à faire avancer ma réflexion.
Bonjour Julie, prendre une décision est toujours douloureux… Il est impossible d’avancer sans renoncer à quelque chose. Mais choisir à quoi renoncer… Ce n’est pas simple. Je ne peux que vous conseiller d’être à l’écoute de votre voix intérieure ; être au calme, dans le silence, laisser s’évanouir les injonctions et pensées toutes faites, et voir ce qui se dessine. En suivant votre intuition, vous prendrez la bonne décision. Voici un lien qui peut vous éclairer https://youtu.be/rx68p7vNbVU
Merci beaucoup Emilie pour votre retour qui m’aidera à avancer, je n’en doute pas !
Bonjour
Je suis en 3ème Anne de thèse je dois passer en 4ème année . Mon problème est une leucémie aiguë diagnostiquée. Aucune suspension possible (tu paies ton inscription ou tu perds ton sujet). S’inscrire sans pouvoir / vouloir travailler est très très culpabilisant dans une situation psychologique déjà très compliquée (pourquoi moi? Que vais je devenir…?) même si après une greffe de moelle osseuse mon état de santé s’améliore, je reste dubitative sur le sens de ma thèse. J’ai 40 ans, agrégée de lettres et en poste en CPGE maths. J’ai commencé ma thèse après l’agrégation, motivée par une émulation intellectuelle et la peur du vide mais aussi parce que je convoitais un poste en hypokhâgne… que je n’ai pas obtenu…
Voilà.
aucune solution proposée par l’ED, des directeurs de recherche plus ou moins à l’écoute. On m’a manifesté de la compassion certes mais pas de vraie analyse de la situation et je suis perdue. J’ai l’impression que mon travail n’intéresse… personne. (Je suis doctorante en lettres et arts de la scène). Je ne trouve plus de sens.
J’ai besoin d’un peu d’aide.
Je ne me sens plus motivée du tout mais j’ai peur de l’échec parce que je suis malade et j’ai peur de perdre ce lien à ma vie d’avant (et tout ce que j’ai investi… argent, temps à valider des modules de la maquette!!)
Merci.
Bonjour Julie,
Je viens de voir ton message. J’ai soutenu ma thèse de doctorat en histoire contemporaine il y a deux ans. Je n’étais pas financé et travaillais à temps plein. Si je peux me permettre de te répondre. Mais il s’agit que de conseils. Hormis le fait d’être démotivée que toi seule peut juger, les questions que tu te poses sont normales mais n’ont pas lieu d’être. Cette thèse, il faut la terminer et je t’assure qu’il y a toujours quelque chose de bien qui se passe après. La thèse est une chance, une période d’apprentissage qui n’a pas de comparaison possible. Tu y arriveras. Du repos et du plaisir pour l’histoire t’aideront. N’hésites pas si tu as des questions.
Bonjour Nordine,
Je te remercie d’avoir pris le temps de me lire et surtout de me répondre.
Tout se bouscule aisément dans mon esprit et j’ai réussi à trouver le courage d’avouer mes faiblesses à mon directeur de thèse. Sa réaction fut très douce et attentionnée. Il a cherché à comprendre et à me rebooster.
Je suis totalement d’accord avec ce que tu avances mais je ne peux nier effectivement un problème de fond dont j’ai du mal à me défaire : un gros manque de confiance en moi associé à un conflit de légitimité.
Tes encouragements me touchent profondément et redonnent un peu de souffle. Merci.
Si tu veux parler en mail privé, il n’y a pas de souci pour échanger. En tous cas, le sentiment d’un problème de confiance en toi est tout à fait normal et à plus forte en thèse de doctorat où on se met en quelque sorte à nu. Maintenant, je vais te donner un autre conseil si je peux me permettre. Cette thèse est une chance et il faut saisir cette chance. Même pour les meilleurs doctorants, c’est difficile. Et je vais être un peu direct mais c’est pour ton bien. Je ne sais pas de quoi il s’agit quand tu parles de conflit de légitimité mais il faut absolument arrêter de se poser des questions. Tu as les capacités de terminer cette thèse. J’en suis certain. Si tu veux des conseils de méthodologie et d’aide, je serais ravi de t’epauler. Et quand je te dis qu’il y a toujours quelque chose de bien qui se passera une fois ta thèse soutenue, c’est la vérité. J’ai compris une chose. Peu importe qu’on ait un poste de maître de conférences à l’issue de la thèse ou que l’on devienne Professeur des Universités, ce qui compte c’est ce que tu as réussi à faire, c’est à dire à donner le maximum de toi en sachant que c’est un privilège que d’étudier en thèse de doctorat, de plonger dans les coulisses de l’histoire puisque tu fais une thèse en histoire, et afin de vivre un peu de l’intérieur ton sujet. Ce sujet est à toi et à personne d’autres, alors vis le !
Bonjour Julie,
J’ai lu ton message et je me suis vraiment retrouvé dans tes mots. Je suis doctorant en 2ème année de thèse en neurosciences et plus le temps passe plus je me sens étranger au monde de la recherche et même de la science de manière plus générale. Je ne me sens plus du tout épanoui et ne vois ça plus que comme un travail. J’ai de plus en plus le sentiment que dans tous les cas je repartirai dans une voie totalement différente à la fin de ma thèse… très sûrement vers des métiers plus en rapport avec le monde artistique (ce qui au fond de moi m’a toujours procuré beaucoup plus de joie et de bonheur que la science).
Je suis en co-tutelle entre la France et le Québec pour ma thèse et j’espérais que l’expérience au Canada me fasse retrouver l’enthousiasme que je pouvais avoir au début mais ce n’est pour l’instant pas vraiment le cas. L’expérience à l’étranger est en soit très enrichissante à beaucoup de niveaux mais aucunement grâce à l’aspect scientifique de la chose. J’aurais pu venir ici dans le but de trouver du travail dans n’importe quel autre domaine et avoir les mêmes expériences que celles que je vis actuellement.
Moi aussi j’ai pourtant une thèse bien payée par rapport à d’autre thésards de mon labo, un sujet intéressant, une équipe avec qui je m’entends très bien et malgré ça moi aussi j’envisage sérieusement d’arrêter. Pour dire, j’en suis à un stade où je regrette presque l’époque où je travaillais à Carrefour les week-ends/vacances pendant ma licence/master. Le job n’était clairement pas très enrichissant intellectuellement mais je savais que je faisais ça pour l’argent et qu’il me laissait suffisamment de temps à côté pour m’adonner à d’autres activités. Et petit détail… mais c’est vrai que chaque heure supp était payée à Carrefour contrairement à la thèse haha mais bon si les thésards étaient payés à chaque heure supp ça serait la fin de la science (du moins dans le public).
Voilà le problème c’est tout ce que vous avez déjà dit ici, j’ai l’impression d’abandonner trop facilement, d’abandonner les gens en science qui compte sur moi. J’appréhende beaucoup leur réaction si je leur partageais mon envie de tout arrêter, surtout pour partir on ne sait où (l’inconnu). J’ai le sentiment que c’est une décision irréfléchie et un peu bête mais que je n’arrive pas à m’enlever de la tête et qui prend de plus en plus de place dans mes pensées au fil des jours. J’ai l’impression de continuer cette thèse uniquement pour faire plaisir et ne pas décevoir alors qu’au fond de moi je ne pense pas que ça soit la meilleure chose pour moi. Je dois faire un choix entre ce que je pense être mieux pour moi et ne pas décevoir les gens. Et même si comme ça la décision peut paraître relativement simple, y étant confronté, elle me parait si dure et lire vos messages m’aident à mieux comprendre ce que je ressens et peut-être enfin prendre une décision.
On peut ajouter un biais d’engagement qu’est le fait d’avoir obtenu un financement. Dans mon cas, c’est le ontrat doctoral qui fait bouillir la marmite et me fait donc serrer les dents, alors que par ailleurs, je n’ai plus de motivation pour mon sujet.
Le critère du besoin intellectuel primordial auquel la thèse répond est très éclairant pour moi. C’est le vide … je trouve plus de satisfaction à faire les courses et à préparer mes futurs cours en secondaire. Cela me confirme dans ma décision d’arrêter dès que j’aurai fini le contrat.
Bonjour Claire ! C’est vrai, avoir un financement met une pression supplémentaire et peut créer un biais dans la prise de décision. Avez-vous pensé à démissionner de votre contrat ? Je comprends évidemment que cela implique une perte de revenus ; mais cela remettrait en cohérence vos actions et vos pensées et donc, vous seriez plus heureuse. Même si vous devez faire la jonction avec un job alimentaire, vous seriez plus « alignée » avec vous-même. Qu’en pensez-vous ?
Bonjour. Merci beaucoup pour votre article. J’ai arrêté ma thèse il y a plus de dix ans.
La je souhaite recommencer une nouvelle thèse sur un autre champ mais j’ai été radiée la première fois. Certains ont il vécu cette même expérience svp?.
Bonjour,
je me pose la même question. Sur le point d’arrêter « les frais » d’une thèse que je n’arriverai pas à mener à bien (en sciences humaines, avec un corpus délirant et plus qu’un an et demi avec deux boulots à côté…..et donc qu’un auto financement…). Ce qui me console, mais peut-être est-ce une illusion, c’est de me dire que peut-être je pourrai en « refaire » une autre sur un sujet plus cerné dans quelques temps ? Mais est-ce possible de recommencer une autre thèse quand la première a « échoué » ?
en tout cas, beaucoup de pression, et au final un poids trop lourd à porter seule sur mes épaules, je n’en peux littéralement plus de me demander si j’y arriverai – question que je me pose depuis la seconde année quand il faut après la troisième se plier en 12 pour obtenir une année supplémentaire… Merci pour vos réponses et témoignages, ça fait un peu de bien de pouvoir lire sur ce sujet si sensible et particulier.
Bonjour Emilie,
Je vous remercie pour cet article. Je lis toujours avec attention votre travail.
Permettez-moi une réaction à celui-ci.
Il est fait mention à ma discipline, les sciences de gestion, à travers l’exemple d’une cadre dotée d’un master et passionnée par les ressources humaines. J’ai bien cru que vous parliez, à votre corps défendant, de ma situation. La lecture de la suite de votre propos me montre que ce n’est pas le cas. En revanche, j’invite les doctorants dont les motivations initiales, celles à l’entrée dans le parcours doctoral, sont « insuffisantes », non seulement à envisager la solidité du projet mais surtout à actualiser le sens de l’exercice. Chemin faisant, c’est à une regénération du sens de la thèse que je me suis prêtée et ce, pour ne pas dégénérer moi-même ! Lorsque les motivations initiales ou profondes s’avèrent peu robustes, il est difficile, voire impossible, de renouer avec, tant elles peuvent être inavouables à soi-même. Mais lorsque l’accompagnement du doctorant le permet, il est tout à fait possible d’actualiser le désir de chercher. Il s’agit non pas de trahir son projet initial, mais de verser dans une posture plus professionnelle (après tout, la thèse est définie ainsi : l’apprentissage d’un métier par l’exercice de ce même métier).
Pour ma part, je n’ai pas engagé la thèse en touriste, mais je n’avais pas mesuré les ressorts individuels qu’elle exige. Ce n’est qu’au pied des nombreux murs face auxquels j’ai pu être postée que j’ai réalisé les leviers à activer. Le sens est vivant, le désir peut mourir et renaître par d’autres endroits lorsqu’on active des ressources à notre portée. Il s’agit dans mon cas d’accepter de découvrir les prises sur les murs à gravir, chemin faisant. Cesser l’exercice se révèle impossible, malgré une motivation en dents de scie, façon montagnes russes. Et je me prête plus volontiers à une recherche de et en moi-même à l’aide d’une direction de thèse qui m’y engage sans cesse.
Toujours au plaisir de vous lire !
Bien à vous,
J.
Merci pour votre lecture attentive et pour ce commentaire qui vient ajouter de précieuses nuances à l’article !
Oui, on peut réactualiser son désir de recherche, et j’aime beaucoup l’expression « régénération du sens de la thèse ». Très belle continuation à vous !
Très capital, merci infiniment.