Vous avez commencé votre thèse « la fleur au fusil » : enthousiaste, et naturellement motivé-e par ce projet nouveau et ambitieux.
Et puis l’enthousiasme s’est dilué et la motivation connaît des hauts et des bas, et peut-être surtout des bas.
Pourquoi ? Etes-vous une personne velléitaire, inconstante ? Ou est-ce la faute des lacunes de votre encadrement ?
Plutôt que de ressasser ce genre de questions, je vous invite à comprendre ce qui stimule ou endort votre motivation.
Tout d’abord, sachez que tous les doctorants rencontrent des difficultés de motivation à un moment ou à un autre. C’est lié à la nature même de la thèse ; et il existe des solutions.
Dans cet article, je vais vous apporter des explications et des solutions pour ne pas vous laisser embourber dans une baisse de motivation, et réussir ainsi à terminer votre thèse plus sereinement.
Pour cela, je vais distinguer une motivation « globale », liée au sens que l’on donne à la thèse ; et une motivation « quotidienne » qui a trait à votre faculté à vous mettre au travail chaque jour.
La motivation au sens large : voulez-vous vraiment faire cette thèse ?
C’est une question piège ! Bien sûr que vous le voulez, puisque vous lisez cet article, que vous vous êtes inscrit en thèse, et que vous rêvez du jour où vous pourrez enfin la déposer…
Oui, mais la volonté ne suffit pas à se motiver !
Pourquoi ?
- D’une part, parce qu’elle peut être entravée par des peurs plus ou moins conscientes ;
- d’autre part, parce que pour passer de votre objectif ultime à l’action concrète, il faut des étapes intermédiaires (autrement dit, il faut apprendre à se poser des objectifs clairs et de court terme).
Commençons par le premier point.
Votre thèse est-elle compatible avec votre vie ?
Je rencontre beaucoup de doctorants qui viennent me voir parce qu’ils veulent finir leur thèse, et n’y arrivent pas, alors qu’apparemment, ils ont tout pour réussir. Et quand je les interroge, je comprends qu’ils ont de profonds motifs sous-jacents (inconscients, involontaires) pour ne pas finir leur thèse.
Ces motifs peuvent être des peurs : par exemple, ils ont très peur de l’après-thèse, de se retrouver sans projet et sans emploi ; ou bien, ils ont peur du regard des évaluateurs, du jury.
Ou encore, il peut s’agir d’aspirations contraires à la thèse (ou perçues comme contraires) : par exemple : je voudrais avoir un enfant, et cette thèse m’en empêche ; ou bien : je voudrais rassurer mes parents et avoir un « vrai travail » stable ; ou toute autre chose qui fait de votre thèse votre ennemie, car elle contrecarre des désirs profonds et parfois informulés.
Une partie de votre esprit freine des quatre fers, pendant que l’autre cherche à accélérer : résultat, vous vous épuisez et vous faites du sur-place.
Soyez au clair avec la motivation profonde qui vous amène à faire une thèse : est-ce qu’elle a sa place dans votre vie ? Est-ce que vous l’acceptez en tant qu’étape longue sur votre parcours professionnel ? Est-ce qu’elle est compatible avec votre vie privée ?
Votre sujet de thèse vous passionne-t-il vraiment ?
Ces problèmes d’aspirations contraires peuvent aussi survenir dans l’aspect purement intellectuel de votre thèse : ainsi, certains doctorants se sont vus proposer des sujets de thèse qui ne les passionnent pas ; ou ils ont dû modifier leur question de recherche. Si le travail de recherche ne correspond pas à votre curiosité réelle, vous n’avancerez pas vite.
Entamez une réflexion lucide qui vous amènera à mieux accepter votre chemin de thèse et à l’intégrer à votre vie.
A présent imaginons que tout est au clair pour vous : vous aimez votre sujet de thèse, vous avez accordé la juste place au travail de la thèse dans votre vie, vous avez des perspectives claires ou assumées.
Eh bien….
Même ainsi, il peut subsister des difficultés ! La motivation peut manquer le matin devant votre ordinateur : l’esprit vagabonde, ça n’avance pas.
Pourquoi ? C’est ce que nous allons voir.
La motivation au quotidien : avancer sur sa thèse… Pas à pas !
Savez-vous ce que vous devez faire dans la prochaine heure ?
La première question à se poser au début d’une séance de travail est : est-ce que je sais vraiment ce que je dois faire ? Je le répète souvent, on ne peut passer à l’action que quand on a une tâche bien claire (et courte) à effectuer.
Rappelons qu’un séance de travail doit être limitée dans le temps, et prévoir des pauses, pour être efficace.
Une fois ce problème réglé, vous procrastinez encore ? Vous commencez à vous accuser de paresse ? En réalité c’est plutôt votre fonctionnement neurologique qui vous joue des tours.
En effet, les scientifiques qui s’intéressent au fonctionnement du cerveau et notamment, à ce qui conditionne le passage à l’action, ont bien établi que le rapport coût/bénéfice est un déterminant essentiel.
Pourquoi votre cerveau préfère procrastiner
Pour le dire simplement : pour passer à l’acte, il faut que les bénéfices soient plus grands que le bénéfice de l’inaction. Ou encore, que le coût de l’inaction soit très élevé, la rendant moins séduisante.
Eh oui, nous fonctionnons tous en mode « économie d’énergie » : un effort n’est produit que s’il apporte un avantage clair (et c’est également vrai pour les animaux ou les plantes, mais évidemment les « choix » sont moins complexes).
La mise au travail a un coût : elle vous prendra de l’énergie, votre cerveau le sait. Où est son avantage ? Eh bien, me direz-vous, l’avantage est évident : si je travaille je vais réussir ma thèse.
Ce raisonnement-là, vous le produisez dans la partie « raisonnante » de votre cerveau, celle qui aime penser aux grandes idées abstraites et poser des objectifs nobles et lointains (ex : réussir sa thèse). Malheureusement, ce n’est pas au même endroit du cortex frontal que se décide le passage concret à l’action !
Le passage concret à l’action n’est possible qu’en présence d’un bénéfice direct (obtenir un gain ou éviter un désagrément).
Or, « réussir sa thèse » est un gain qui est loin dans le temps. Plus le gain est éloigné temporellement, moins il est pris en compte dans les mécanismes qui président au passage à l’acte. Parce que pour ces mécanismes psychiques, un tien vaut mieux que deux tu l’auras ! Ce sont des mêmes mécanismes qui nous ont permis de survivre pendant des dizaines de milliers d’années, en milieu hostile, en nous focalisant sur le moment présent et la survie immédiate… Et qui nous joue des tours aujourd’hui, alors que nous n’avons plus de problème pour trouver à manger mais que nous voulons mener à bien des projets abstraits aux horizons bien lointains.
Je reprends : si votre action n’est pas récompensée, vous finirez par ne plus agir. Si vous n’obtenez jamais de reconnaissance ni jamais de plaisir à agir, vous allez procrastiner tant et plus, alors même que vous êtes convaincu-e du bien-fondé de votre projet.
Vous n’y pouvez rien, nous sommes faits comme ça.
Arrêtez de culpabiliser, rusez !
Demandez-vous toujours : quel est le gain de mon action ? La partie de votre cerveau qui préside au passage à l’action préfère un gain concret qui procure de la dopamine ; ce peut être un plaisir physique ou moral ; un morceau de chocolat ou un mot de félicitation par exemple.
Et soyez fin stratège : annoncez à ces parties de votre esprit, pragmatiques et ancestrales, la récompense : si j’écris deux heures aujourd’hui, j’aurais tel avantage ! Par exemple, je regarderai une vidéo rigolote, je boirai une boisson qui me plaît, je m’écrirai un mot de félicitation sur mon agenda, je téléphonerai à tel ami en lui racontant que j’ai bien travaillé… Bref, soyez inventif, trouver le levier le plus convaincant pour vous, celui qui touche votre besoin de plaisir ou de reconnaissance sociale.
A l’inverse (c’est aussi efficace mais c’est moins drôle), vous pouvez aussi faire en sorte que le coût de la procrastination soit plus élevé que le coût de l’effort. Rendez la procrastination coûteuse et pénible : éloignez les distractions, rendez-les difficiles d’accès, forcez-vous à aller travailler dans un endroit éloigné, qui vous donnera envie de rentabiliser le voyage etc..
Bref, vous devez ruser avec votre propre fonctionnement cérébral !
Si tout est cohérent et aligné : vos valeurs abstraites d’une part, qui donnent du sens à votre travail, et les conditions pratiques du passage à l’action d’autre part, alors, la motivation, malgré ses fluctuations naturelles, ne connaîtra pas de gros décrochage.
Moralité : connaître son fonctionnement est essentiel pour réussir à finir sa thèse !
Si vous voulez aller plus loin
Cet article vous a donné envie d’en savoir plus sur votre propre esprit, pour travailler mieux en respectant votre fonctionnement, sans vous faire violence et sans culpabiliser ? Je vous invite à consulter deux auteurs, vulgarisateurs sérieux, qui donnent des conseils bien étayés sur notre fonctionnement neuronal : Jean-Philippe Lachaux, et Yves-Alexandre Thalmann.
0 commentaires