Au début de chaque soutenance, le candidat est amené à présenter son travail au jury et dispose pour cela, généralement, d’une vingtaine de minutes. J’ai souvent observé que cette présentation « donnait le ton » de la soutenance. Un texte ennuyeux sera poliment écouté ; mais un discours qui donne du sens à votre recherche, qui intéresse le jury, qui l’aide à comprendre qui vous êtes et toute la passion que vous avez mise dans votre travail (même s’il est imparfait), ce sera bien mieux ! Vous êtes tout à fait capable de préparer un tel texte, et pour cela je vous donne ici quelques conseils.

Pendant votre soutenance

Une règle d’or  : ne résumez pas votre thèse. Les membres du jury l’ont lue (enfin, normalement). Les rapports de thèse contiennent souvent une sorte de synthèse. Alors, pas la peine de se répéter. Il vaut mieux « mettre en récit » votre recherche, lui donner de la vie et du souffle.

Un être humain derrière la thèse : rendez-votre discours vivant !

Je vais vous donner quelques indications, qui ont pour but de vous inspirer, plutôt que d’être suivies mécaniquement ; voici ce que peut contenir un texte de présentation.

Bien sûr, commençons par une petite phrase d’accroche : ce peut être une citation très pertinente d’un auteur sur votre sujet, ou même d’un acteur de terrain. Ou encore une anecdote qui aide à comprendre comment vous en êtes arrivé à vous intéresser à votre sujet. Pas facile à trouver me direz-vous ? L’inspiration pour cette phrase vient souvent quand on ne s’y attend pas, en déjeunant, dans le bus…

Ensuite, vous pouvez évoquer vos questions de départ ; cela aidera votre public à comprendre votre cheminement intellectuel. Au début de votre recherche, quel était votre questionnement ? De quel constat partait-il ? (Ce constat pouvait être une intuition, une piste, une observation préalable…). Vous pouvez parler librement et sincèrement, il s’agit de comprendre ce qui vous a rendu curieux.

Après cet espace de spontanéité et de liberté, pourquoi ne pas revenir vers plus de rigueur académique, en commençant à évoquer vos premières bases théoriques… Quel était l’état de l’art quand vous avez commencé à travailler ? Pourquoi avez-vous pensé alors que vous pouviez apporter quelque chose de neuf au débat académique ? Pour ce faire, quel nouvel angle avez-vous choisi d’adopter ? Quels auteurs vous ont particulièrement inspiré ?

Presenting the idea

Une fois ces éclaircissements apportés, vous pouvez de nouveau aborder votre cheminement personnel. En effet, pour répondre à vos questions initiales, vous avez dû recueillir des données, documentaires ou bien sur le terrain. Cette période a sans doute été pleine de doutes et de péripéties. Mettez en avant votre pugnacité, les principes qui vous ont guidé alors. Avez-vous dû renoncer à certains projets ? Quelles surprises vous a réservées le terrain ? Vous pouvez raconter une petite anecdote. Votre parcours peut être mis en lien avec l’évolution de votre réflexion. Si vous avez participé à des séminaires ou des événements scientifiques essentiels pour perfectionner le projet de recherche et élaborer le cadre théorique de la thèse, dites-le.

Les différentes parties de votre discours s’enchaînent naturellement : vous sentez qu’il est temps pour vous de présenter et défendre votre méthodologie de recueil des données (très important dans certaines disciplines). Pourquoi avoir choisi telle documentation, ou bien pourquoi avoir préféré des questionnaires plutôt que des entretiens ? Est-ce une étude de cas, ou bien avez-vous cherché la représentativité dans votre échantillon ? Vous pouvez admettre les points faibles de votre méthode (on est rarement 100% satisfait de son recueil de données), mais embrayez aussitôt après sur les avantages de vos choix, sur ce qu’ils vous ont permis de voir et de comprendre.

Vous commencez à comprendre que dans le schéma que je vous propose, on évoque tantôt la recherche sous un angle assez personnel, comme un parcours initiatique, tantôt sous un angle plus académique et distancié, comme la construction rationnelle d’un argument. Cette alternance vous permet de maintenir l’intérêt du public, et de montrer tout à la fois que vous êtes un chercheur rigoureux et… un être humain qui fait de la recherche, avec son cheminement propre, fait de tentatives diverses, d’erreurs, de réussites. Cette façon de se présenter permet d’établir un lien avec les membres du jury, qui peuvent ainsi s’identifier à vous, comprendre votre vécu, tout en évaluant votre travail.

Énoncez votre position de chercheur

Il est temps d’affirmer les points forts de votre réflexion. Commencez par énoncer clairement votre question de recherche, ou par la reprendre si vous l’aviez déjà introduite. Vous pouvez dire : « ma réflexion s’est donc recentrée autour de cette question centrale : ‘’…………….. ? ‘’ ; c’est ce que j’ai essayé d’éclairer à travers cette thèse ».

confiancePuis clarifiez vos hypothèses et leurs résultats : ont-elles été vérifiées ? Avez-vous dû les amender ?

Ce serait un plus de parvenir à faire une sorte de synthèse conceptuelle de la thèse. Ce n’est pas si compliqué : vous pouvez choisir des thèmes transversaux (qui traversent toute votre thèse) et les expliciter ; concrètement, citez ce concept qui vous a aidé tout au long du travail, parlez un peu des auteurs qui s’y rattachent, puis montrez comme cela a éclairé votre réflexion. Cela vous donnera l’occasion de développer une autre vision de votre thèse, plus distanciée, plus globale, non limitée à telle ou telle partie ; de plus on commencera à comprendre quels sont vos apports dans le débat académique.

Dites ce que vous répondez à votre question de recherche. C’est votre principale conclusion : faites en sorte qu’elle ne soit pas équivoque, mais claire et précise (parfois cela nécessite un vrai travail sur soi : il faut vaincre ses doutes et sa timidité pour le faire !).

Et grâce à cette réponse, montrez le plus clairement possible ce que vous apportez à l’état de l’art sur votre sujet : avez-vous vérifié la pertinence d’une notion? Découvert un phénomène méconnu ? Mis en contradiction un point souligné par d’autres auteurs ? Dites-le sans fard, c’est le moment de vous affirmer. La boucle sera bouclée, car au début de votre texte de présentation vous aviez parlé de cet état de l’art et de ses éventuelles lacunes : maintenant vous annoncez quelle pierre vous avez apporté à l’édifice du débat scientifique.

Si votre thèse a une portée pratique, une vocation à mieux comprendre la réalité pour émettre des conseils, abordez maintenant ces conseils.

Anticipez les questions du jury

Si toutefois vous ne l’avez pas déjà fait tout au long de votre discours, récapitulez les reproches qui peuvent vous être faits, sans les nier. Immédiatement après, commencez à apporter des réponses : par exemple, vous avez peut-être été un peu faible sur tel point, mais c’est parce que vous avez choisi d’approfondir tel autre. Rappelez que votre recherche se poursuivra après la thèse : la recherche est un processus, elle n’est jamais finie… Pensez à terminer sur un point positif, ou sur une ouverture : des recherches futures, les possibles applications de votre réflexion sur des sujets connexes, etc.

Pour finir, remerciez le jury pour son écoute attentive et en l’invitant à poser des questions (eh oui, même si vous n’en avez pas très envie…).

Dans cet article, nous avons uniquement parlé du fond : mais attention, la forme a une grande importance ; votre posture, votre expression, votre diction, influencent le jury. Pour des conseils sur la communication orale, vous pouvez consulter cet autre article.

Bonne chance et pensez à laisser des commentaires si vous souhaitez compléter ces conseils ou faire part de votre expérience !