Cet article est la transcription d’un épisode du podcast « Boîte à Outils pour doctorant-e-s » réalisé avec Megda Bentout de Why a PhD
Vous préférez écouter notre conversation ? Cliquez ici : https://audio.ausha.co/jzKd7sQQZ7la.mp3
Emilie
Bonjour Megda !
Megda
Bonjour Emilie !
Qu’est-ce qu’un projet de thèse et à quoi sert-il, surtout ?
Emilie
Un projet de thèse, c’est un document qui peut faire 3, 4, 5, jusqu’à 10 pages. Rarement plus de 10 pages, au moins dans les universités en France, et qui est produit avant de s’inscrire en thèse. C’est donc un document que l’on va présenter à un possible encadrant de thèse pour s’inscrire en doctorat. C’est comme une carte de visite qui permet à l’encadrant de voir si vous êtes capable de faire une thèse et s’il a envie de vous guider dans cette thèse, si le sujet lui convient.
Le projet permet donc à l’encadrant de faire un filtrage en fait. Le projet raconte sur quoi vous allez travailler et pourquoi vous allez travailler là-dessus. Sur quoi et pourquoi, c’est important. Donc il faut faire le point sur la problématique, sur le grand problème que vous vous proposez d’investiguer. Il faut que ce soit convaincant pour l’encadrant.
Mais le projet ne sert pas qu’à ça, il sert aussi au futur doctorant à faire le point sur ce qu’il veut faire comme recherche : il est obligé de synthétiser, obligé de clarifier.
Pour résumer, le projet est à la fois un document qui va communiquer à destination de l’encadrant, et pour le futur doctorant, un document qui va lui permettre de préciser sa pensée.
Megda
Pourquoi est-ce essentiel de définir une problématique claire et originale dans un projet de thèse ? Et à ton avis, est-ce qu’on doit l’adapter à l’interlocuteur, à l’interlocutrice à qui on l’adresse ?
Emilie
Rappelons ce qu’est une problématique, parce que ce n’est sans doute pas clair pour tout le monde (vous pouvez aussi consulter cette ressource à ce sujet). C’est un mot qu’on entend souvent, mais on peut se demander ce qu’il y a derrière. Une problématique, c’est une question. C’est un questionnement scientifique argumenté. Tout simplement, ça peut prendre la forme d’une question avec un point d’interrogation à la fin, mais une question dont on a expliqué la pertinence. Donc, avoir une bonne problématique, ça veut dire une question scientifique qui est bien posée et justifiée, qui va impulser toute la thèse ; donc le doctorant qui sait construire une belle problématique, claire, percutante, originale, répond aux attentes de l’encadrant.
Et elle doit être originale, oui, parce que tu sais que la thèse, c’est un document qui est évalué sur son originalité, donc on doit bâtir son propre problème scientifique.
Là j’ai mis un peu la pression peut-être à ceux qui nous entendent, qui peuvent craindre que ce soit extraordinairement difficile etc. Mais il faut savoir qu’une problématique évolue : donc vous n’êtes pas obligé de trouver une problématique qui sera gravée dans le marbre, la problématique pourra évoluer au fur et à mesure de nos réflexions. Cependant, il faut essayer de la fixer à un instant T et de la formuler de façon vraiment claire
Megda
Merci. Alors, est-ce qu’on doit l’adapter à son interlocuteur ?
Emilie
C’est une grande question. Forcément, oui, un peu, parce que si tu vas travailler avec un encadrant de thèse, il faut que ton travail l’intéresse. Et surtout, si tu souhaites que ton travail soit financé, ça peut aussi vouloir dire que la problématique doit être orientée dans un sens qui va intéresser le financeur.
Personnellement, je pense aussi qu’il ne faut pas, tout de même, trop tordre la problématique qui nous intéresse dans un sens extérieur, dans le sens de l’intérêt de l’autre, que ce soit l’encadrant ou le financeur. Parce que si tu fais une thèse qui reflète l’intérêt de quelqu’un d’autre, que ce soit ton encadrant ou ton financeur, ce qui va se passer, c’est que, au bout d’un moment, ta motivation va se dégonfler complètement. Tu vas t’ennuyer, tu ne sauras plus pourquoi tu fais ça. Parce que la thèse, c’est quand même très engageant ! Ce n’est pas un travail mécanique, c’est un travail créatif de long terme. Et si tu n’es pas foncièrement passionné par ta problématique, tout simplement, ça ne va pas marcher. Donc attention : on aurait tendance vouloir s’adapter à son interlocuteur, pour avoir plus de chances d’être pris en thèse. C’est à double tranchant. À un moment, je pense qu’il faut aussi assumer son intérêt pour entrer dans une relation avec un encadrant qui soit équilibré, où on n’est pas tout sacrifié. Ça me semble aussi très important. Si vous souhaitez entrer dans une thèse, soyez au clair sur ce qui vous intéresse vraiment, ce qui est votre passion et n’y renoncez pas.
Megda
Oui, et ne pas prendre le risque de se perdre en cours de route ou d’arrêter tout simplement sa thèse par manque de motivation.
À ton avis, quels sont les éléments clés à inclure dans un projet de thèse ?
Emilie
Je vais centrer ma réponse sur les Sciences humaines et sociales.
Commencez par demander à l’Ecole Doctorale qui vous intéresse si elle a un format spécial parce qu’il peut y avoir des variations, mais grosso modo, on va avoir
- une présentation du contexte, donc, des éléments de fait descriptifs,
- une revue de littérature (ou un état de l’art, ce sont deux termes qui se recoupent) c’est à dire une présentation de ce qui se sait sur le thème qu’on a commencé à introduire, qu’est-ce qui se dit dans le débat scientifique sur ce thème,
- Et cela débouche sur une problématique. C’est un problème scientifique. Ça veut dire : sur ce sujet-là, la connaissance en est à tel point, mais il manque quelque chose. Il manque un aspect de la connaissance. Donc, on pose sa question, on pose le problème qui découle de ça.
- Et ensuite, une fois la question posée, on peut avancer de grandes hypothèses, qui sont des tentatives de réponses, qu’on va bien sûr vérifier dans tout le travail de sa thèse.
- Et pour vérifier ces hypothèses, il nous faut une méthode, c’est-à-dire comment va-t-on aller recueillir des données. Les données, selon notre discipline, peuvent être très différentes. En Sociologie, il peut s’agir de données d’enquête de terrain. En Droit ça sera des données de jurisprudence, en histoire des archives, etc.
En tout cas, ce qui caractérise le travail de recherche, c’est que ça n’est pas un essai, c’est qu’il est fondé sur des données, donc il faut que tu indiques dans ton projet de thèse quelles sont les données que tu vas devoir aller recueillir pour vérifier ces hypothèses et comment tu vas t’y prendre. C’est à ça que sert la partie méthodo. Puis après il peut y avoir selon les cas d’autres parties qui viennent s’ajouter ou pas, comme un calendrier prévisionnel. Dans certaines universités, il va y avoir un paragraphe sur les aspects éthiques qui peuvent être touchés dans le projet de thèse. C’est variable. Il peut aussi y avoir un paragraphe « objectifs de la thèse ».
Megda
Enfin, pour terminer cet épisode, je voulais te demander quels sont les pièges à éviter lors de la rédaction d’un projet de thèse ? Par exemple tu as parlé tout à l’heure de ne pas tomber dans cet écueil de vouloir trop s’adapter à son directeur ou sa directrice de recherche.
Emilie
C’est vrai, ce qui nous empêcherait d’ailleurs aussi d’être original. C’est tout un équilibre parce qu’effectivement, il ne faut pas complètement se mouler dans les attentes, en plus les attentes qu’on imagine être celles de l’encadrant. Cependant, il ne faut pas non plus laisser complètement de côté les besoins de l’encadrant quand il va lire le projet. Ça, ça serait une erreur, ce serait l’erreur inverse. L’encadrant a besoin de clarté, c’est-à-dire de comprendre rapidement. Parce que si déjà il doit se prendre la tête pour comprendre le projet, ça va être terrible pour lui de lire toute la thèse, donc ça ne va pas.
Donc il faut que le texte soit clair, même au niveau du style. Il faut vraiment que la principale qualité du projet de thèse soit la clarté. Donc il faut éviter un style difficile ou inadapté. Un style jargonnant par exemple.
On peut se dire, c’est sérieux, donc je vais mettre plein de concepts. Mais pas forcément en fait, il faut les mettre de façon pertinente, mais il ne faut pas que ce soit trop jargonnant.
Il ne faut pas non plus montrer qu’on est vraiment trop novice ou naïf par rapport à la méthode scientifique. Et ça, ça se lit un peu entre les lignes. Tu sais, quand tu lis un texte et tu devines que la personne n’a pas trop l’habitude de faire de la recherche, par exemple parce qu’elle avance des affirmations à brûle-pourpoint, ou qu’elle présente comme des choses certaines, des éléments qui en fait sont des hypothèses ou des interprétations d’auteurs, mais qui ne sont pas des faits parce que d’autres auteurs ne sont pas forcément d’accord.
Ce que font souvent comme erreur les candidats au doctorat c’est de ne pas faire la différence entre les différents statuts que peut avoir une phrase : une phrase peut présenter un fait tout simple ; dans ces cas-là pas besoin d’amener de précautions c’est juste un fait que tout le monde reconnaît. Mais une phrase peut aussi présenter l’affirmation d’un auteur dans ces cas là il faut toujours dire d’où elle vient, citer l’auteur. Il ne faut pas le mettre comme si c’était une vérité absolue. Ça vient de quelque part. Et puis ensuite, il y a nos propres hypothèses, nos propres pensées. C’est pareil, il faut avoir un vocabulaire adapté en disant, nous faisons l’hypothèse que… etc. …il est possible que… En tout cas, il faut toujours adapter son vocabulaire.
Il faut montrer qu’on a une rigueur intellectuelle et qu’on fait la différence entre ce qui a été démontré, ce qui n’a pas été démontré, ce qui demande à être démontré. Ça, c’est vraiment un super point quand on fait un projet de thèse. Quand on a cette précision-là, c’est très, très positif.
Le directeur attend aussi de votre part une grande autonomie. Donc, il ne faut pas être trop scolaire non plus. Il faut être original. Cela peut vouloir dire parler depuis son expérience propre si on vient d’une discipline, si on vient d’une pratique professionnelle, il ne faut pas chercher à le cacher, on peut parler depuis son expérience propre pour montrer ce qu’on peut apporter d’original à la réflexion à partir de nos propres observations, depuis où on va observer les choses. Ça aussi on peut le montrer, on n’est pas obligé de gommer sa subjectivité. Du moment qu’on le met en tant que tel en parlant à la première personne, en disant qu’on parle depuis notre expérience.
Megda
Merci ! Si cet épisode vous a plu, n’hésitez pas à lui mettre 5 étoiles sur les plateformes d’écoute et à nous suivre sur whyaphd.com et réussirsathese.com. A très bientôt !



0 commentaires