Pourquoi est-il indispensable d’avoir en tête une question centrale quand on réalise un mémoire ou une thèse ? C’est ce que nous allons voir aujourd’hui.

Un travail de recherche, qu’il s’agisse d’un mémoire ou d’une thèse (ou tout autre type de travail d’analyse) a tendance à être foisonnant ; car il s’agit d’approfondir l’étude d’un sujet et d’en chercher les tenants et les aboutissants. Or il arrive que, pendant une soutenance par exemple, l’un des jurés demande au candidat quelle est la question principale de sa recherche… Par là-même, on lui demande une ultime synthèse de son questionnement ; cette synthèse peut donner sens à tout le travail. Il est difficile pour le candidat de répondre de façon satisfaisante s’il n’a pas fait, tout au long du processus de recherche, l’effort de résumer son questionnement, d’en rechercher l’essence.

Question de recherche, problématique… De quoi parle-t-on ?

Si vous avez fréquenté le milieu universitaire français en licence, l’idée de chercher une problématique vous paraît peut-être un peu rigide et scolaire. La problématique, c’est la question qu’on vous demandait de poser à la fin de l’introduction quand vous faisiez une dissertation pendant les examens partiels…. C’est à partir de cette question que vous construisiez votre plan.

La question de recherchePersonnellement, j’ai commencé par des études de Droit (oui…) et pendant les travaux dirigés, l’enseignant nous entraînait à répondre à plusieurs énoncés de dissertation seulement en posant une problématique et un plan à chaque fois, sans chercher à développer. Savoir construire rapidement le squelette d’une argumentation était vu comme le plus important.

Une bonne problématique, quand on fait une dissertation, doit reprendre quelques termes clefs du sujet posé et les articuler en une question à laquelle on va répondre. Choisir une problématique, c’est choisir l’angle sous lequel on va traiter le sujet.

Quand on fait un travail de recherche, et non plus une dissertation, on n’a pas d’ « énoncé » du sujet. On s’intéresse à quelque chose : un problème, une catégorie de population, une situation, et on veut les étudier. Par quoi commencer ? Le champ des possibles est immense. Or, curieusement, nous ne pensons pas toujours à organiser notre pensée autour d’une question centrale, une question précise que l’on peut écrire dans des termes bien choisis. Peut-être que cela nous semble trop réducteur ?

Le terme de problématique est-il toujours adéquat pour un travail de recherche ? Eh bien, au début de votre recherche, vous aurez plutôt besoin d’une question de départ. Ce n’est qu’après avoir commencé à recueillir des données, à explorer plus précisément votre thème, que vous construirez une problématique. Enfin, lorsque vous présenterez vos résultats, vous serez à même de synthétiser votre démarche en indiquant quelle est votre question de recherche. En fait, à tous les stades de votre recherche, vous aurez une question en tête, une question principale, mais celle-ci aura évolué, et les caractéristiques d’une question de départ sont un peu différentes de celle d’une problématique (que l’on utilise une fois la recherche bien amorcée).

Je détaillerai tout cela, avec des exemples, dans la seconde partie de ce sujet. Mais dans ce post, nous allons d’abord voir quelques raisons pour lesquelles vous DEVEZ avoir une question centrale. C’est un exercice qui tirera votre recherche par le haut.

Pourquoi une seule question ?

Pour ne pas vous éparpiller. La question centrale est un fil conducteur. La plus grande difficulté dans un travail de recherche est de ne pas partir dans tous les sens, de trouver un cheminement, de faire des choix. Pour cela, vous avez besoin d’une référence, et cette référence, ce sera votre question.

orienter sa recherche

Avoir une question clairement définie vous permettra de :

  • Forger une ou des hypothèses. Les hypothèses sont des réponses provisoires que l’on va vérifier. Mais pour avoir une réponse, il faut d’abord une question. Vous pourriez, certes, avoir une multitude de questions et autant d’hypothèses. Cependant, il faut éviter l’inflation du nombre d’hypothèses pour garder une cohérence dans votre travail, et avoir une question centrale garantira cela. Vous pouvez éventuellement poser deux ou trois sous-questions et leurs hypothèses, cela dépend de la magnitude de votre travail. Mais les sous-questions découlent de la question centrale.
  • Savoir quelles données recueillir, au stade de votre travail de terrain. Vous saurez mieux ce qu’il est utile de rechercher ou pas. Vous saurez quand arrêter le travail de terrain (ce sera quand vous aurez la matière pour répondre à votre question).
  • Ne pas partir dans tous les sens pendant la rédaction. La phase de rédaction tend à morceler notre réflexion : c’est normal, parce qu’on n’écrit pas 400 pages d’une seule traite (ni même 100) ; on divise habituellement le travail d’écriture en petits objectifs à atteindre. C’est bien ; mais du coup, on a tendance à perdre de vue l’ensemble en se passionnant pour des parties du sujet. Si vous avez une question de recherche, vous pouvez toujours vous dire : est-ce que je suis bien en train d’y répondre, ou est-ce que je m’égare ? D’ailleurs, avoir une question de recherche vous aidera à forger un plan de thèse cohérent.
  • Sélectionner vos sources. Si vous avez lu le guide La Voie du Doctorant (pour le recevoir c’est par ici), vous savez qu’il n’est pas toujours facile de faire le tri entre toutes les suggestions de bibliographie, toutes les pistes que l’on vous propose de suivre, tous les thèmes qu’on vous propose d’approfondir  (« on » c’est-à-dire vos collègues, vos lecteurs, vos auditeurs lors d’un séminaire, vos professeurs etc.). Si vous avez une question centrale, c’est plus simple. Vous pouvez toujours vérifier si telle suggestion vous aide effectivement à répondre à votre question ou si elle vous en éloigne.

Il doit sans doute y avoir d’autres avantages à avoir une question centrale, mais je m’arrête là ! Dans la deuxième partie de ce post, je verrai avec vous comment poser une bonne question : c’est-à-dire une question efficace.