Le titre d’une thèse (ou même d’un article), c’est la cerise sur le gâteau !

On y pense souvent au dernier moment, quand tout est presque bouclé… et le choix peut se révéler difficile dans l’urgence. Or, ne voir dans le titre qu’un élément accessoire et futile serait une erreur. En effet, un bon titre est plus facilement mémorisé ; il véhicule vos idées ou tout au moins suscite la curiosité à leur égard. Bref, il participe à la mission de diffusion de votre travail.

un titre pour sa thèseLa difficulté principale, c’est d’en dire suffisamment, mais pas trop. Un titre trop bavard est ennuyeux ; un titre trop court laisse des éléments importants dans l’ombre.

Un conseil préliminaire : s’il s’agit de votre thèse, il me semble qu’un dialogue avec votre directeur de recherche concernant le choix du titre est souhaitable. Il y a peut-être des pièges à éviter qui sont propres à votre domaine ; il pourra vous en parler. N’oubliez pas de le consulter avant de lancer l’impression !

Il n’y a pas de solution toute faite pour trouver un titre, mais force est de constater, quand on compulse un catalogue de thèses, qu’il existe certaines caractéristiques qui reviennent souvent ; je me suis amusée à classer les titres de thèse en 3 catégories, qui vous aideront peut-être à choisir ce qui vous convient et à comprendre ce qui peut constituer un bon titre, pour une thèse ou tout autre travail de recherche. Pour préparer cet article, j’ai visité le site du fichier central des thèses : suivez ce lien si cela vous intéresse. C’est une source d’inspiration!

NOTE : dans cet article je me permets de citer des exemples réels, issus de diverses disciplines, et leurs auteurs ; cependant mon opinion personnelle sur les qualités ou les défauts d’un titre n’indique rien sur la qualité de la thèse par ailleurs. On a déjà vu de très bonnes thèses avec des titres qui les desservent.

Voyons maintenant ces trois catégories : les titres descriptifs, les titres problématisés, les titres affirmatifs.

Le titre descriptif

Si vous êtes d’un naturel prudent et que vous ne voulez pas risquer de dévoiler votre point de vue théorique, alors que vous avez si peu de mots pour vous expliquer… Alors ce genre de titre est fait pour vous.

Le titre que j’appelle  descriptif est très fréquent, en particulier dans des disciplines comme le Droit ou l’Histoire, mais pas seulement bien sûr. Il indique simplement le phénomène que le chercheur a étudié, sans fournir d’informations sur la problématique ni sur les résultats de l’analyse. Des exemples:

« Les exceptions à usage public en droit d’auteur français » (Benoît Galopin)

« Impact du développement urbain sur les villes traditionnelles au Maroc : exemple de Fès » (K. Mikou)

« Racisme et nationalisme dans le roman populaire français sous la IIIème république (1870-1940) » (J-M. Proust)

Comme vous le voyez, ce sont des titres clairs, sans fioritures. Avec une telle formulation, le seul risque que vous courez est que le résultat soit un peu plat, qu’il ressemble plus à un énoncé de dissertation qu’à un titre de mémoire. Un titre peut même simplement mentionner le domaine d’étude :

« Démo-géographie de la précarité et de la pauvreté » (C. Zaepfel).

C’est assez austère !

Sachez qu’il y a des moyens de rendre un titre descriptif plus original, en le divisant en deux propositions qui se complètent, ou en trouvant une formule choc….

Le titre en deux temps

Un très grand nombre de thèses ont un titre en deux temps, scindé par deux points au milieu. Cette division donne du rythme à l’énoncé. Elle permet d’ajouter des éléments sans que le titre ne paraisse trop long. (Par contre, attention, éviter de sur-employer cette stratégie en scindant votre titre en trois parties, dans le désir d’en dire toujours plus !).

Dans le cas de titres descriptifs en deux temps, il s’agit d’annoncer l’objet d’étude, puis son contexte (ou dans l’ordre inverse). Exemple :

« Droit de la concurrence et régulation sectorielle : l’exemple des communications électroniques » (T. Galanis).

Ou encore l’objet d’étude suivie de formulations un peu générales de type : bilan et perspectives, enjeux et contexte… par exemple :

« La diffusion des TIC dans l’économie marocaine : état des lieux, enjeux et perspectives de développement ». (N. Zahraoui)

Pourquoi pas ? Mais le risque ici est de retrouver un titre de thèse qui ressemble fortement à un titre de colloque !

La formule choc

En fait, avec un titre descriptif, ce qui permet vraiment de se démarquer et de susciter la curiosité, c’est bien l’emploi d’une « formule marquante » : une expression originale qui attire l’attention, suivie d’une deuxième partie de titre qui éclaire de quoi il est question :

« La France hostile : histoire de la xénophobie en France au XIXème siècle » (L. Dornel)

« La ville défaite. Les représentations sociales de la dévalorisation urbaine » (P. Duarte)

« Le spectre du fascisme : le nationalisme russe et ses adversaires, 1987-2007 » (M. Gabowitsch)

Efficace, non ? Vous pouvez combiner cette formule avec un sous-titre, ce qui vous permet de faire un peu plus long :

« Les guerres sentimentales. Anthropologie morale du marché matrimonial de la Chine urbaine des années 2000 » (J-B. Pettier)

Les titres problématisés

Vous voulez que le titre reflète mieux l’originalité de votre travail, la particularité de votre angle d’étude ?trouver un titre à sa thèse

Certains titres donnent plus d’informations sur l’angle d’analyse spécifique de la thèse. Je les appelle « titres problématisés », car on y perçoit la problématique de l’étude. D’ailleurs, certains sont carrément sous forme de question.

Le titre avec question

Si vous avez une question de recherche courte et claire, pourquoi ne pas l’inclure, tout ou partie, dans votre titre ? Attention, le résultat doit être concis pour être efficace ! Quelques exemples :

« Nouvelles technologies : sources d’une nouvelle variété discursive ? »  (D. Balaci)

« Les musiciens de variété à l’épreuve de l’intermittence : des précarités maîtrisées ? » (L. Sibaud)

« Le temps des réhabilitations des grands ensembles : pratique architecturale et/ou mode de production urbaine ? » (F. Belmessous)

Cette dernière question étant déjà assez longue. Vous voyez que ces titres-là aussi sont scindés en deux avec un double point au milieu. Ça permet d’économiser un verbe ! Mais les deux parties du titre doivent être de tailles à peu près similaires. Vous pouvez aussi poser la question seule, et ajouter un sous-titre, ce qui vous donnera plus de marge en terme de longueur :

« Représenter les ‘’quartiers populaires’’ ?                                                                                           Une socio-histoire de l’engagement électoral et partisan dans les cités d’une municipalité communiste ». (S. Hadj Belgacem)

C’est une thèse toute récente, dont j’aime bien le titre. En trois mots, on comprend l’enjeu : c’est assez habile.

Le titre avec verbe à l’infinitif

Si vous avez fait votre travail de terrain sur la base d’entretiens et que vous étudiez des représentations d’acteurs, il peut être intéressant d’évoquer la spécificité de votre approche avec un verbe à l’infinitif qui renvoie au vécu de vos enquêtés, comme ceci :

« Construire sa légitimité au quotidien : le travail micropolitique autour d’une Equipe Mobile de Psychiatrie-Précarité » (A. C. Rodrigues Marques).

Ce genre de titre mentionne l’expérience de l’acteur (ici ce sont des intervenants sociaux) ; c’est déjà une prise de position méthodologique et théorique de la part de l’auteur de la thèse.

À noter qu’il y a une autre façon d’employer un verbe à l’infinitif, qu’on peut illustrer par l’exemple suivant : « Comprendre la mort dans l’utopie classique (1616-1765) : entre normalisation et exception » (C. Gobert). Mais là, le mot comprendre semble plutôt être une figure de style et n’indique pas grand-chose sur l’angle d’analyse  (qui est plutôt dévoilé dans la deuxième partie du titre).

Faire le lien entre deux notions/phénomènes

Il y a d’autre façons d’indiquer la spécificité de son regard de chercheur dans un titre : ce peut être, par exemple, en mentionnant deux notions, avec la conjonction « et » entre les deux, alors qu’on se demande quel peut être le lien (les mettre en relation, c’est donc déjà adopter un point de vue). C’est une façon très fréquente de problématiser son titre et de lui donner un peu de relief.

Voici deux exemples :

« Cyberespace et paysage : regards croisés sur la ville et les environnements digitaux » (O. Zattoni)

« Réseaux virtuels et commerces ethniques : une dynamique entre l’espace des flux et l’espace urbain » (I. Ebilitigué)

Enfin, j’ai trouvé un autre titre problématisé, concis et surprenant, qui vous inspirera peut-être :

« La gare en tant que porte sociale de la ville » (David Ban)

Avec la formulation « en tant que », on indique clairement un angle d’analyse. Je dois dire que j’ai un petit faible pour les titres concis de ce genre, qui ont un certain panache (mais je crois que je serais moi-même incapable d’en créer un pour mon travail !).

Le titre affirmatif

C’est un genre de titre plus rare, qui vous conviendra si vous êtes sûr de ce que vous avez à dire et que vous voulez monter au créneau. Ici, plus encore qu’indiquer un questionnement spécifique, vous prenez position, vous annoncez un résultat d’analyse. Voici un exemple :

« Je ne suis pas raciste, mais. . . : du « non-racisme » portugais aux deux racismes des portugais » (J. F. Marques)

L’auteur dévoile déjà les grandes lignes de ses résultats : les termes qu’il emploie relèvent de ses propres constructions analytiques. À remarquer ici : l’usage d’une citation d’acteur dans le titre : « je ne suis pas raciste, mais ». Si vous avez des expressions récurrentes et très parlantes dans vos entretiens, ça peut vous inspirer.

Un autre exemple, issu d’une très bonne étude d’ailleurs :

« Loyautés incertaines : les travailleurs du bâtiment entre discrimination et précarité » (Nicolas Jounin)

Ici, c’est dans l’oxymore « loyautés incertaines » que réside l’originalité du titre. C’est un résumé habile des résultats d’enquête de l’auteur.

Un dernier cas enfin :

« Compréhension d’une délinquance juvénile ordinaire au regard de la réaction sociale : le jeune délinquant à l’île de la Réunion : une identité davantage attribuée que désirée » (M. Baulaigue).

La dernière partie du titre, ici, donne les résultats de l’étude, affirme une position. Notons cependant que ce titre est trop long. Si je puis me permettre, quelque chose comme « Le jeune délinquant à la Réunion : une identité attribuée » aurait été tout aussi parlant !

Je termine donc en vous souhaitant bonne chance pour la création de votre titre, et en vous réitérant ce conseil : soyez concis !