Imaginez la scène. Vous assistez à un colloque, et l’on passe la parole à un jeune chercheur qui a 20 minutes pour présenter sa « communication ». Visiblement mal à l’aise, celui-ci se raccroche à son texte et commence à lire d’une voix monocorde et plutôt faible. Un ennui discret s’installe dans la salle, les minutes passent tant bien que mal puis l’intervenant vient à bout de sa présentation et laisse la place au suivant.

Sa recherche est peut-être passionnante : mais personne ne le saura, car personne n’a pu le suivre au-delà des trois premières minutes. Avez-vous déjà vécu cela ? Avez-vous déjà été cet intervenant timide ou ce spectateur somnolent ? Probablement, car cette scène est d’une grande banalité !

On oublie souvent d’enseigner aux jeunes chercheurs comment communiquer à l’oral. Il s’agit pourtant d’une compétence cruciale pour diffuser son travail et rencontrer des collègues… et même pour réussir sa soutenance !

Une présentation ennuyeuse est souvent le fait d’un intervenant timide, apeuré, ou mal préparé. Voici 4 règles incontournables pour éviter que votre présentation plonge tout le monde dans l’ennui !

Règle n°1 : Préparez-vous en tenant compte des attentes du public

Beaucoup de jeunes chercheurs se contentent de travailler le contenu, en bossant leur texte pour qu’il soit digne d’un article scientifique, le plus sérieux et complet possible car ils craignent d’être critiqués ; le jour J ils lisent ce texte devant tout le monde en espérant qu’il n’y aura pas de questions « méchantes » et voilà ! Or, le terme « communication » indique en lui-même qu’il s’agit d’un exercice où vous devez établir une relation avec un public. C’est pour lui que vous êtes là. Être convaincant à l’oral, c’est différent d’être convaincant à l’écrit.

Soyez synthétique.

Sachez que la capacité d’écoute du public est limitée (on dit habituellement qu’elle chute après 12 minutes sur le même sujet).

Dans un colloque par exemple, sélectionnez un aspect de votre recherche particulièrement prometteur ou en phase avec le thème du colloque et tenez-vous en à cet aspect. Vous pouvez mentionner ouvertement : « aujourd’hui je me concentrerai sur l’aspect x  de ma recherche. »

Faites des fiches

C’est le conseil le plus fondamental ! Écouter quelqu’un lire un texte mot à mot est un puissant somnifère, donc ne vous accrochez pas à votre texte comme à une bouée. Mais vous ne pouvez pas non plus improviser, c’est vrai. Choisissez une voie médiane et faites des fiches cartonnées qui reprennent les éléments clefs à ne pas oublier. Exemple : vous voulez dire que vous travaillez sur l’absentéisme des élèves des écoles primaires, et que votre travail de terrain est basé sur des entretiens ? Écrivez : « ma recherche > absentéisme scolaire > école primaire > méthode : entretiens » sur la fiche. Ça suffira, vous n’oublierez rien. Et ça vous forcera à parler spontanément. Attention ! Le Power point, si vous en avez un, ne doit pas servir de fiche. Il contient seulement des illustrations ou mots-clefs.

Répétez chez vous à voix haute

Avec vos fiches, au moins deux fois. Vous connaîtrez mieux votre intervention, vous serez moins stressé, et vous saurez combien de temps elle prend réellement. Sachez qu’il vaut mieux qu’elle soit un peu trop courte que trop longue.

Anticipez les questions

Vous avez peur des questions du public ? C’est un motif fréquent de stress. Le pire serait d’essayer de « ne pas y penser ». Au contraire, faites deux colonnes : dans la première mettez les questions que vous voudriez bien qu’on vous pose. Dans la deuxième, celles que vous ne voudriez surtout pas qu’on vous pose ! Et bien sûr, travaillez bien ces dernières, à tête reposée : qu’y répondriez-vous ? Sachez que, surtout pour une recherche en cours, vous pouvez aussi répondre « je ne sais pas » (sans avoir l’air contrit), quand vous ne savez pas. Votre honnêteté sera appréciée.

Règle n°2 : faites baisser la pression

 

Le trac nous touche tous quand nous devons nous exprimer devant une assemblée. Anticipez pour ne pas en être malade le jour J !

Préparez-vous à relever le défi.

Ne repoussez pas le moment de préparer l’intervention. Mieux vous aurez répété votre intervention à l’avance, mieux ça vaudra, et la veille au soir vous pourrez vous détendre en faisant une autre activité plus ludique

Pratiquez la visualisation positive.

Elle consiste à mettre en place des répétitions par la pensée : fermez les yeux et imaginez la scène : vous prenez la parole devant ce public de collègues…

Vous devez aller loin dans les détails. Imaginez la table, la lumière, et vos propres mots. Tout se déroule parfaitement bien et l’on vous félicite à la fin. Refaites l’exercice plusieurs fois. C’est tout simplement une méthode d’autosuggestion, très efficace si elle est répétée, pour habituer votre cerveau au succès et pour l’amener à un fonctionnement plus positif. 

Respirez en gonflant et dégonflant le ventre.

C’est utile pour placer la voix et pour faire baisser les tensions. Vous trouverez sur internet des infos sur cette technique de sophrologie et d’autres astuces pour réussir la prise de parole, ici notamment

Expérimentez les méthodes naturelles.

Pour faire baisser l’appréhension si elle est trop forte : homéopathie, phytothérapie, fleurs de Bach, huiles essentielles…Trouvez celle qui vous convient. 

Acceptez un inconfort passager.

Vous ne pourrez pas supprimer toute trace d’émotion : celle-ci est naturelle. Elle diminuera à mesure que vous avancez dans votre exposé.

Règle n°3 : établissez le contact avec l’assistance

Présentez-vous !

C’est la première règle pour établir le contact avec une personne ou un groupe de personne. Certes, le modérateur a déjà dit qui vous étiez et quel était le titre de votre intervention. Mais il est important que vous refassiez-vous-même cet exercice de façon plus personnelle : je suis Untel, et cela fait deux ans maintenant que je travaille sur le thème X et Y au sein du laboratoire ABC. Mon travail de terrain touche à sa fin, j’analyse les données en ce moment. Aujourd’hui je voudrais vous parler de etc. ». Si vous êtes très angoissé à l’idée de parler en public, la présentation peut être le moment de faire baisser la tension.

Par exemple, vous êtes étranger et vous avez un accent, et cela vous inquiète. Dites-le en souriant ! « Je suis chinois et comme vous le remarquez, j’ai un accent ; j’essaierai de m’exprimer le plus clairement possible ! » ; vous obtiendrez des sourires d’encouragement et cela commencera sous de bons auspices.

Annoncez le plan de votre exposé.

Cela évitera au public de se sentir perdu. Vous créez ainsi une expectative qui maintiendra l’attention.

Mettez des exemples dans votre texte

Rendez-le vivant : « Quand je suis allé sur mon terrain la première fois, j’ai vraiment été surpris par… etc ». Même les scientifiques aiment la mise en récit ! Et le message passe mieux s’il est délivré d’une façon personnelle. Mais soyez modéré, quand même : ne faites pas de votre intervention une collection d’anecdotes !

Parlez posément.

Prenez le temps de respirer et laissez au public le temps d’assimiler les idées.

Faites des pauses de 4 ou 5 secondes chaque fois que vous passez à une autre diapositive (si vous avez des diapositives)

 Règle n°4 : ayez la bonne posture !

Le langage para-verbal (vitesse, intonations) et le langage non verbal (mimiques, postures) sont importants pour asseoir votre confiance et votre sentiment de légitimité. Ils sont perçus immédiatement par le public. Ne les négligez pas.

NB : Si vous voulez aller plus loin, cliquer sur la petite image ci-contre pour accéder à ma formation : 3 étapes pour réussir à l’oral.

Évitez de laisser retomber votre voix…

…à la fin de chaque phrase. Parlez clairement jusqu’au bout.

 

 

Parlez assez fort.

C’est-à-dire assez pour que la personne la plus au fond de la salle vous entende ! S’il y a un micro fixe sur la table, ne vous voûtez pas pour vous en approcher ; parlez clairement et distinctement, ça suffira.

Regardez le public !

Et pas seulement une personne ; faites circulez votre regard ; adressez-vous à une personne à droite pendant quelques instants, puis au fond à gauche, puis au milieu… Jetez un coup d’œil à vos notes puis relevez vite le visage : c’est votre visage qui fait l’interface entre le public et vous ! Même si vous commentez une projection, ne tournez pas le dos au public, placez-vous de biais, et tournez-vous le plus souvent possible vers lui.

Redressez votre posture physique.

Ne croisez pas les jambes, gardez le dos droit, le thorax ouvert, et donc surtout les épaules non rentrées, pour bien respirer. La posture influence le moral d’une façon surprenante.

Et vos mains ?

Ne jouez pas nerveusement avec un crayon, laissez-les sur la table ; si vous vous enthousiasmez pour votre propre sujet, vous oublierez vos mains et elles se mettront à « parler toutes seules », vous accompagnant sans que vous y pensiez : c’est la meilleure des choses

Si vous êtes timide ou angoissé, vous trouverez peut-être certains de ces conseils difficiles à appliquer. Vous devrez faire des efforts sur vous-même, pour parler plus fort et regarder l’assistance, par exemple. Sachez qu’au début, vous devrez « faire semblant » d’être à l’aise, tranquille et souriant, jusqu’au jour où… vous serez réellement à l’aise ! Avec la pratique cela devient plus naturel : c’est un vrai processus d’apprentissage. Mon dernier conseil est donc celui-ci : ne perdez pas une occasion de vous entraîner et de vous exprimer en public !

NB : pour cet article, le livre de Bernard Blein, prendre la parole en public, m’a beaucoup inspirée ! http://www.editions-larousse.fr/prendre-la-parole-en-public-9782035916556